Crossroads
7.7
Crossroads

Court-métrage de Bruce Conner (1976)

Crossroads m'évoque Clapton et Cream, définitivement. Pourtant aujourd'hui, dans ce court métrage expérimental -puisqu'on dit de Conner qu'il est la forte tête de l'avant-garde issue des Etats-Unis - il n'est pas question de blues rock (mais tout de même un peu de musique) mais de bombe atomique.
Crossroads, c'est peut-être la croisée des chemins entre deux génies qui ne s'étaient pas encore trouvés: l'image et la quintessence de l'esprit rationnel. Je fais le voeux de détruire, je fabrique une bombe qui peut le faire en quelques secondes et je capture ce résultat afin que le monde se souvienne à jamais que l'homme eut un esprit brillant. Nous sommes en mille neuf cent quarante six, un an après Little Boy et Fat Man balardés au pays du soleil rasant, dans l'atoll de Bikini au large du plus si Pacifique et l'armée américaine teste sous le manteau sa nouvelle came: des bombes A en fond marin. Ici, vingt sept points de vue captent ces explosions simultanées, dans les airs, sur la mer, du rivage. Vingt sept points de vue pour comprendre assez vite l'étendue du progrès. Aucun commentaire, juste des faits passés, essuyés avec un coin de manche sale par le gouvernement américain.
Puis Conner, initiateur du Found Footage (technique consistant à filmer sur de la pellicule déjà imprimée), nous offre une sorte de bal minimaliste sur lequel s'invitent deux célébrités de leur temps (Terry Riley et Patrick Gleesson) en une longue délibération électronique, elle aussi en pointe en son heure et savoureuse alors que s'abat une dernière fois ce champignon d'eau pourfendue n'ayant plus la force de se rabattre sur lui-même, devenant plus dense qu'un épais brouillard et avalant les navires blindés présents où toute vie semble éradiquée. On se demande si le ciel n'a pas rejoint la mer dans cette brume de gris épaisse, si ce champignon ne montera plus si haut qu'il faille en dompter d'autres afin que l'homme ne se sente plus si Dieu. Qu'importe, cela reste aujourd'hui des images terrifiantes, d'une beauté plastique presque époustouflante dont le génie d'un homme a su, pendant quelques minutes, nous faire oublier celui d'un autre.
Albion
9
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le 6 févr. 2013

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