Navet ou nanar ? Je ne sais pas, et à vrai dire tout le monde s'en fout !

Le cinéma produit dérivé existe, je l’ai rencontré par une belle soirée cinéphage à priori comme une autre, à l’issue de laquelle je ne serais plus jamais le même. De quoi parle-t-on au juste ? De ce film à la gloire de l’idole des jeunes du début des 2000’s, j’ai nommé Britney Spears, reine des Charts, à qui il ne manquait plus à cette époque qu’un rôle à sa mesure pour atteindre les cimes de la notoriété. Bien sûr, la demoiselle ne sait pas jouer, mais ce n’est pas grave, après tout que ne ferait-on pas pour mettre des étoiles dans les yeux des jeunes fans de la star (et accessoirement espérer s’en mettre plein les fouilles, mais chut, il ne faut pas le dire) ? Alors des producteurs banquiers se sont mis en tête de concevoir un film rapidement pour battre le fer tant qu’il était chaud, avec tous les éléments constitutifs d’un bon film pour adolescents selon eux, et le tour était joué, le produit pouvait être lancé aux yeux du monde qui n’en demandait pas tant.


Bon, on ironise, et il est clairement difficile de parler d’une telle chose sans prendre un peu de recul hautain, posture sans doute là pour se donner une contenance et masquer la honte d’avoir eu la curiosité malsaine de la regarder. Mais alors, qu’y a-t-il de si terrible dans cette « œuvre » rapidement devenue culte, si l’on peut dire ? Et bien, on serait tenté de répondre, pas grand-chose, et en même temps, tout. On s’explique. Comment pourrait-on tenir rigueur à un film s’adressant à un public cible assumé de cocher toutes les cases correspondant aux attentes de ce même public ? Il semble difficile à priori de garder un minimum de crédibilité critique en s’énervant sur ce qui constitue réellement un pur produit marketing, face auquel les pré adolescentes ciblées ne pouvaient pas faire la fine bouche. Le concept était simple : prenons 3 copines perdues de vue, qui avaient fait le pacte gamines de revenir à un endroit précis où ces dernières avaient enterré un vœu personnel lorsque ces dernières auront passé leur diplôme de fin d’année. Elles partent en road trip vers Los Angeles en compagnie d’un mec, prétexte à un récit initiatique abordant à peu près tous les thèmes agitant les adolescents, sans prendre le moindre risque d’ordre moral (on n’est pas chez Larry Clarke, en somme).


Après tout, le concept en vaut un autre, et pour un amateur de teen movies, même les plus sucrés, le début pourrait presque éveiller un soupçon d’espoir de quelque chose de pas si terrible. On y croise le sympathique Justin Long, le temps que celui-ci se ridiculise en suppliant pathétiquement notre Britney d’accepter de le dépuceler. Mais le film s’adressant ouvertement et exclusivement à un public girly, et jeune, l’impasse artistique devient rapidement évidente, face à l’impossibilité pour les instigateurs de cette chose de faire quoi que ce soit de concluant de leurs maigres enjeux.


Il faut comprendre, le besoin de toucher les gamines sans heurter ces dernières, ni leurs parents obligés de les accompagner, oblige à prendre tout un tas de mesures aboutissant à un résultat consensuel à mourir, digne d’un soap pour pré ados, où les sujets censés parler à ce public s’accumulent avec un effet catalogue très rapidement inopérant, pour ne pas dire embarrassant.
La perte de virginité, le viol, ou encore l’ado tombant enceinte, tout ça est traité sans aucune profondeur, comme pour ratisser le plus large possible, tout en restant continuellement au ras des pâquerettes, comme pour ne prendre aucun risque. La vierge effarouchée interprétée par Britney le restera tant qu’elle n’aura pas rencontré son prince charmant, la jeune fille enceinte ne prononcera jamais le mot « avortement », comme si le fait même d’envisager cette solution était criminel, et le viol sera abordé en sourdine, pour être évacué aussi tôt, et nous laisser avec ces trois copines en vadrouille, chantant en cœur dans la voiture.


La réputation de nanar vient donc à l’évidence de cette incapacité à considérer son public autrement que comme une midinette venant chercher sa dose de Britney, avec accessoirement quelques thématiques traitées comme dans un roman Harlequin, pour faire bonne figure. Les dialogues d’une naïveté confondante s’enchaînent donc mollement, parfois très drôles involontairement, parfois atterrants de vacuité. Et si l’on se prend à sourire désespérément devant la guimauve se déroulant devant nos yeux, c’est pour mieux être consterné l’instant d’après. Car si certaines scènes peuvent presque s’avérer charmantes, la réalisatrice et les scénaristes ont quand même une sérieuse tendance à tendre le bâton pour se faire battre, en s’enfonçant de manière presque masochiste dans des abymes de nullité, dont le point d’orgue restera cette incroyable scène d’engueulade avec un fiancé du genre goujat, scène brillant par sa fausseté digne d’une sitcom AB productions.
Le film, c’est donc ça, le résultat déconcertant de calculs censés aboutir au parfait produit qui saura toucher sa cible. Mais à voir le film fini, on se dit qu’il faut avoir une bien piètre image de ce public pour n’avoir que ce type de sinistre bluette à lui proposer. Et si l’on veut rester tout à fait honnête, nul doute que les jeunes filles de 12 ans ont dû largement y trouver leur compte, cette critique tardive ne servant pas à grand-chose hormis exorciser un trauma chez le cinéphage dégénéré ayant regardé le film d’un œil torve, se persuadant de trouver de bonnes raisons de se l’être procuré et de l’avoir visionné jusqu’au bout.


Formellement, si le film n’est pas réalisé et ne propose quasiment rien de cinématographique, il ne s’agit pas non plus d’un sommet d’amateurisme, et l’on se surprend même à y trouver de furtifs plans où la réalisatrice semble avoir conscience du décor l’entourant et essayer de faire du cinéma. Durant ces courts instants, si l’on coupe le sifflet et que l’on regarde juste les images défiler, peut-être peut-on se dire qu’après tout, il n’y a pas de quoi en faire tout un drame. Mais le cynisme de l’entreprise, l’absence totale de point de vue et de direction d’acteurs (seul le brave Dan Aykroyd en sort à peu près digne, même si le voir faire semblant d’être ému aux larmes face à Britney chantant sa soupe a quelque chose de cocasse), et l’indigence générale dans les situations et les dialogues plaideraient au final plus pour une cause perdue proche du navet intégral que du nanar que certains veulent y voir. Un navet sans doute pas méchant et parfois très drôle, mais tout de même assez désolant, surtout lorsqu’on le visionne seul et désœuvré. Lors d’une soirée arrosée entre potes, peut-être y-a-t-il moyen d’y trouver une source de plaisir déviant. Peut-être …

micktaylor78
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste 2021 : L'an 1 du monde d'après se fera avec beaucoup de films

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le 19 févr. 2021

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