Tout le monde a vu un Stetson sur l'affiche et certains se sont mis à fantasmer sur un Impitoyable 2 : le retour. Est-ce l'une des raisons pour lesquelles le petit dernier d'Eastwood, totalement apaisé, aux antipodes du vigilante âpre souvent perçu comme le chef d'oeuvre du réalisateur américain, s'est autant fait ignorer/massacrer ?
En tout cas il faut sans doute une petite dose d'amour pour la légende Eastwood pour passer 20 premières minutes poussives, parfois gênantes (la rencontre entre Mike et la mère de l'enfant qu'il va récupérer de l'autre côté de la frontière mexicaine), à la limite du téléfilm. Mais dès lors que la rencontre entre le vieil homme et l'enfant a lieu, le film baigne dans une nostalgie lumineuse, une lumière de fin de jour, qu'on imagine le dernier (ou pas loin) pour un vieillard aux zones d'ombre dévoilées dans une scène splendide (Mike, allongé sur un banc d'église, se livre comme il ne l'a sans doute jamais fait à cet enfant encore bercé d'illusions).
Aimer Cry Macho, c'est aimer Eastwood profondément en fait ; c'est le voir oser accepter ce rôle où il se montre tel qu'il est : décrépi, faible, la peau flétrie mais avec cette lueur d'intelligence dont il ne s'est jamais départi et qui fait tout son charme, même à 90 ans. C'est ce qu'on appelle la Classe. La Classe de l'homme, de l'acteur, et donc, de ce personnage de Mike qui file vers la mort le coeur enfin en paix, par la grâce d'un road trip parsemé de rencontres bienfaisantes. Eastwood/Mike semble tout simplement immortel, et c'est ce qui rend Cry Macho si beau : non, vieillir n'est pas (forcément) un naufrage. Et rien que pour ce message et ce portrait atypique (le cinéma ne s'intéresse pas aux vieux, ou alors bien mal, cf le mauvais Lucky, avec Harry Dean Stanton), Cry Macho fait un bien fou.