Étrange objet que ce Curtains...
Si vous voyez le film, vous remarquerez le nom du réalisateur: Jonathan Stryker.
Et vous me direz que vous n'avez jamais entendu parler de lui.
Eh bien, il se trouve que c'est le nom du réalisateur du film dans le film, interprété par John Vernon.
Donc, ce serait le personnage du réalisateur dans le film qui serait l'auteur-même de Curtains ?Que nenni, mes amis !
Jonathan Stryker est le Alan Smithee des familles que nous connaissons tous, soit un pseudo virtuel, étant donné que le(s) auteur(s) ont refusé net d'associer leurs noms avec le film fini.


En 1980, le producteur Peter Simpson achète le scénario de Robert Guza Jr, et en propose alors la réalisation à Richard Ciupka.


Ciupka voit donc ce script comme un thriller arty et il commence à le tourner dans cette optique, après que le casting fut bouclé.
L'on y retrouve donc:



  • John Vernon (dans son meilleur rôle),

  • Samantha Eggar (vu dans The Brood de Cronenberg, l'année précédent ce tournage),

  • Linda Thorson (échappée de la dernière saison de The Avengers),

  • Lynne Griffin (Black Christmas),

  • Anne Ditchburn (ex-membre du Ballet National Canadien)

  • et le tout jeune Michael Wincott (The Crow et accessoirement frère de Jeff Wincott, pour les fans de films de tatanes).


L'histoire nous entraine donc dans la création d'un film, tournant autour d'un personnage central fort: Audra...
Mais qui est Audra ?
Audra est une femme folle et le réalisateur John Stryker n'en dira pas plus (et c'est d'ailleurs tout ce que nous saurons sur ce projet de film dans le film).
Samantha Sherwood (Samantha Eggar, toujours fascinante) insiste auprès de son réalisateur pour être interner volontairement "pour savoir ce que ressent le personnage d'Audra".
Mais Stryker - pour une raison indéterminée - décide d'organiser un casting pour interpréter le personnage de la dite Audra.
Il réunit donc 5 filles chez lui pour leur faire passer une audition.
Entre-temps, Samantha s'est échappée de l'asile (dans laquelle Stryker l'a laissée croupir) pour se joindre à cette session extraordinaire...
Et les candidates de disparaitre une par une...


Ce résumé succinct intrigue, n'est-ce pas ?
Tout irait pour le mieux si Peter Simpson - le producteur de Curtains - n'insistait pas autant pour transformer ce thriller en un slasher, bien plus à la mode en cette année 1980.
Mais Ciupka - le réal - reste sur ses positions et continue le film à sa manière.
Simpson lui fait alors comprendre que ce n'est pas ce qu'il désire et comme il tient les cordons de la bourse, il somme le réalisateur de céder à ses désirs.
Une mésentente grandissante enfle sur le plateau, laissant craindre le pire pour les acteurs.
N'y tenant plus, Ciupka quitte définitivement le plateau, en laissant un métrage long d'à peine 45 minutes.


Et voilà Simpson se retrouvant avec un demi-film sur les bras.
Pas effrayé du tout, il suspendra le tournage pendant un an et demandera au scénariste Robert Guza Jr de revoir sa copie, sous l'œil inquisiteur de Simpson.


Fin 1981,la nouvelle version du scénario est terminé.


Suivant l'adage "On n'est jamais si bien servi que par soi-même", Simpson prend le siège vacant du réalisateur et:
-rappelle certains de ses acteurs,
-remonte les 45 minutes de Ciupka en supprimant certaines scènes explicatives,
-en tourne de nouvelles incluant un jeu de cache-cache entre le tueur et l'une des filles.


Bon.


Mais lors du montage final, certaines nouvelles scènes sont elles-aussi supprimées et la nouvelle fin dévoilant l'identité du tueur (elle se passait sur une scène de spectacles, avec tous les cadavres disposés autour) ne sera pas incluse dans le film terminé.


De là à dire que Simpson ne sait vraiment pas ce qu'il veut, il n'y a qu'un pas...franchi allègrement par ce producteur peu inspiré.


Ciupka refusa évidemment que son nom apparaisse au générique et quant à Simpson, il dut avoir quelques remords, car il décida lui aussi de ne pas être créditer en tant que réalisateur.
D'où "l'astuce" de créditer "Jonathan Stryker" comme réalisateur...


Pour les aficionados de générique final, vous y remarquerez aussi les dénominations:
- "Acte 1" (celui de Ciupka)
- et "Acte 2" (celui de Simpson).
Lorsque le film sortit enfin en 1983 (aux USA), il fut peu apprécié et rapidement oublié.


Qu'en est-il 36 ans plus tard?


Curtains n'est rien d'autre qu'un film bâtard, reflétant parfaitement les différences de style entre Ciupka et Simpson:



  • l'acte 1 nous insère une ouverture de rideaux pourpres, en lieu et place de certains fondus/enchainés, le récit s'oriente plus vers un côté "psychologique",

  • l'acte 2, ne fait qu'enchainer les meurtres mécaniquement en annihilant toute la tension de la première partie.


Résultant de ce travail à deux têtes, il y a énormément d'incohérences dans le récit (qui est cette mystérieuse amie qui a fait évadée Samantha, pourquoi Stryker décide t-il de faire un nouveau casting pour le personnage-titre de son film, pourquoi Matthew/Michael Wincott se trouve t-il chez Stryker cette nuit-là, pourquoi certains personnages ne sont pas réellement définis..?).


En définitive, nous voilà devant un film bipolaire, en quelque sorte.
Pas désagréable à voir (même si Samantha Eggar avouera n'avoir fait ce film que pour l'argent) mais ne vous attendez pas à un authentique film psychologique, ni même à un slasher.
Car Curtains n'est rien de tout ça.
Ou en partie...

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le 28 mars 2016

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The Lizard King

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