Quelle magnifique ode à la vie que voici !
Tout d'abord, pour parler d'une oeuvre telle que Cyprien, il faut la replacer dans son contexte historique : Revenons un an avant la sortie du chef-d'oeuvre.
2008 : La mode babos-néo-punk devenait ringarde et tout le monde mourrait bourré au volant. Les jeunes achetaient sarouels, keffieh, bolas et autres colliers rasta. Mais un jour, ils n'achetèrent plus. Il faut dire qu'ils commençaient sérieusement à ressembler à des clodos. Leur vendre des accessoires ? Impossible. Le marché du grinder et de la feuille slim était parasité par des stands népalais bon marché. Non, il fallait du sang neuf. Ou reprendre des vieux trucs en faisant croire que c'est neuf...
Puis vint l'été... Après mûre réflexion, les grands de ce monde s'allièrent et lancèrent "La mode Geek !"
Et oui. Un jour, avoir un t-shirt Mario Bros. est devenu cool. Faire le signe vulcain en guise de salut n'était plus un truc réservé aux tordus. Connaître le jeu Q-Bert et en parler en société était devenu hype. Dans le vent. Puis swag. Parce que la société marchande l'a voulu. Parce que le système ne peut se nourrir de lui-même sans s'effondrer (je sais, elle est classe cette phrase).
Depuis, on a vu affluer moult média plus ou moins médiocre reprenant les codes de la culture geek. Jusqu'au jour où, don du ciel, Monsieur David Charhon, illustre réalisateur, a sorti son masterpiece : Cyprien.
Et qui de mieux que cette grosse baballe d'Élie Semoun pour le rôle-titre ? Lui qui connait si bien les geeks. D'ailleurs, sa performance est exceptionnelle, à tel point qu'on lui a proposé de faire le sourd-muet trisomique dans Intouchables 2. Mais lui a refusé, bon prince. Oui. A l'image de ce film, Cyprien Semoun est sensible, attachant. Jamais caricatural. Il dépeint le portrait tant physique que mental du nerd, dans toute sa splendeur, avec ses petites lunettes à gros bords et sa gueule de con. Mais ce qui est le plus magique, c'est que jamais aucun des comédiens ne laisse place au grotesque, ni aux préjugés d'enculés. Tout ce qu'on voit ici est vrai, brut et très documenté. Même pas raciste. C'est vrai, tous les japonais sont des hystériques fans de jeu vidéo. C'est connu. Mais pas raciste.
Je ne m'étalerais pas sur le côté technique, car cela briserait toute la poésie de fils de pute que le métrage exhale.
Concentrons-nous plutôt sur le scénario : du jamais vu : Un pauvre type est amoureux d'une meuf plutôt bonne, mais comme il est moche elle veut pas qu'ils niquent. Du coup comme par magie, un déodorant magique le transforme en tête à claque magique. Pardon, en beau gosse. Et là il peut enfin niquer. Mais au final, la meuf préfère quand même quand il était moche parce que c'est la beauté intérieure qui compte. Et puis au fond, les geeks ils sont peut-être laids et stupides, mais ça ne les empêche pas d'être des braves types.
C'est donc un portrait émouvant et sensuel que nous offre ici cette belle équipe de trous du cul. J'en ai la larme à l’œil. Ça me donne envie de tous les crever par amour. Ces sales rats.