C'est probablement le grand rôle de Sidney Poitier, acteur qui deviendra le symbole du libéralisme américain en défendant dignement la cause Noire à Hollywood, dans un pays où les rapports entre Blancs et Noirs ont toujours été houleux et problématiques. C'est exactement ce qui fait l'objet de ce polar psychologique très efficace, devenu depuis un classique, et à sa sortie un grand succès populaire, recevant 5 Oscars, dont celui du meilleur film et celui du meilleur acteur pour Rod Steiger.
Norman Jewison sait qu'il va jouer avec la sensibilité du spectateur, et de ce fait, qu'il va devoir balayer toutes les éventuelles intolérances vis à vis du personnage de Virgil Tibbs incarné par Poitier. Il sait planter son décor : une petite ville du Sud profond, écrasée de chaleur, victime des préjugés et des conventions locales, une population abrutie par l'alcool, et soudain un meurtre, un cadavre, un sheriff assez buté, et l'intrusion d'un flic fédéral venu de Philadelphie, habile et perspicace, mais Noir, qui exaspère les habitants plus prompts à régler les problèmes entre eux sans qu'un étranger vienne y mettre le nez, surtout si c'est un Noir.
La torpeur ambiante cache mal les haines, et Tibbs sait qu'il va se trouver confronté à quelques virulentes manifestations de racisme, mais ça fait partie du jeu, il contourne l'obstacle avec habileté. L'intrigue est forte, même si les procédés du réalisateur sont parfois un peu racoleurs, ce dernier donne une image assez juste de la vie quotidienne d'une de ces petites villes du Sud des Etats-Unis, un peu comme dans la Poursuite impitoyable d'Arthur Penn ; et je gage que ça n'a pas dû tellement changer depuis les années 60 dans les tréfonds de ce Sud conservateur.
Le coeur du film, c'est l'affrontement qui glisse vers la complicité entre le flic noir et le flic blanc, qui se transforme à la fin en respect ; ils ne sont pas enchaînés l'un à l'autre comme dans la Chaîne (autre grand rôle de Sidney Poitier), mais l'évolution psychologique est la même. Steiger et Poitier rivalisent d'intensité face à une population raciste et brutale dans une atmosphère électrique. Le reste du casting est très bon, avec Warren Oates, Lee Grant, Larry Gates ou Scott Wilson...


A noter que le personnage de Virgil Tibbs crée en 1933 par le romancier John Ball, dans une époque où les droits civiques n'étaient pas défendus, sera repris par Sidney Poitier dans 2 autres films : Appelez-moi Mr Tibbs en 1970, et dans L'Organisation en 1971.

Créée

le 12 oct. 2017

Critique lue 1.2K fois

35 j'aime

4 commentaires

Ugly

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

35
4

D'autres avis sur Dans la chaleur de la nuit

Dans la chaleur de la nuit
Docteur_Jivago
7

Do the right thing

Alors qu'un meurtre vient d'être commis dans une petite ville du sud des États-Unis, un noir va d'abord être mis en accusation... jusqu'à ce que la police découvre qu'il est lui aussi officier et...

le 15 juin 2016

42 j'aime

5

Dans la chaleur de la nuit
Ugly
8

Dans la profondeur du Sud

C'est probablement le grand rôle de Sidney Poitier, acteur qui deviendra le symbole du libéralisme américain en défendant dignement la cause Noire à Hollywood, dans un pays où les rapports entre...

Par

le 12 oct. 2017

35 j'aime

4

Dans la chaleur de la nuit
Cultural_Mind
8

Ce Mississippi qui broie du Noir

Quelques mois à peine avant la disparition tragique de Martin Luther King, en plein mouvement des droits civiques, Norman Jewison prit le parti de porter sur grand écran un roman de John Ball...

le 2 mars 2018

25 j'aime

1

Du même critique

Il était une fois dans l'Ouest
Ugly
10

Le western opéra

Les premiers westerns de Sergio Leone furent accueillis avec dédain par la critique, qualifiés de "spaghetti" par les Américains, et le pire c'est qu'ils se révélèrent des triomphes commerciaux...

Par

le 6 avr. 2018

121 j'aime

96

Le Bon, la Brute et le Truand
Ugly
10

"Quand on tire, on raconte pas sa vie"

Grand fan de westerns, j'aime autant le western US et le western spaghetti de Sergio Leone surtout, et celui-ci me tient particulièrement à coeur. Dernier opus de la trilogie des "dollars", c'est...

Par

le 10 juin 2016

95 j'aime

59

Gladiator
Ugly
9

La Rome antique ressuscitée avec brio

On croyait le péplum enterré et désuet, voici l'éblouissante preuve du contraire avec un Ridley Scott inspiré qui renouvelle un genre ayant eu de beaux jours à Hollywood dans le passé. Il utilise les...

Par

le 4 déc. 2016

95 j'aime

45