"Dans la maison" est un (assez) bon film français, qui se rapproche du cinéma américain, moins par sa forme (loin de la maîtrise formelle d'un De Palma ou d'un Hitchcock, grandes références ici...) que par la richesse du scénario, qui est très excitant. Et comme tout scénario réussi, il y a plusieurs fins possibles, plusieurs interprétations possibles. Au choix.
L'histoire : un prof de français de lycée, Germain, blasé du faible niveau de ses élèves, retrouve une certaine satisfaction à la lecture de la rédaction (très clichée : "racontez votre week-end") d'un élève, un certain Garcia. Le style de l'élève, très bon, et le fond du propos, très prenant, amène le prof de français à épauler le jeune garçon dans l'apprentissage de l'écriture d'une histoire. L'histoire en question est celle de l'intégration dans une famille (et aussi l'inclusion par la famille), et plus exactement dans la maison de la famille "Rapha" (ou "Rafa" peu importe). Très vite, le garçon devient manipulateur, incontrôlable, voyeur et intrusif au sein de cette famille qui l'a intégré malgré elle.
Le sujet est le voyeurisme. Nous sommes tous voyeurs semble nous dire Ozon, nous voulons tous savoir ce qui se passe "dans la maison" et même si les parents de la famille font l'amour, on regarde. Ce plus haut point de voyeurisme dans le film donne raison à Ozon : nous parlons des personnes "qui regardent" comme des obsédés. Mais quand nous voyons à l'écran un acte sexuel, nous regardons, alors que nous pourrions détourner le regard. C'est un "Basic Instinct".
Au départ, nous avons affaire à un simple lycéen, brillant certes, mais animé d'une sorte de bizarrerie manipulatrice et malsaine, que l'on pressent très vite au début du film, ses intentions paraissant ambiguës. Lorsque ce Garcia dévoile au sein de ses rédactions son attirance pour la mère de la famille "Rapha", Ester, on anticipe un dérapage. Mais le dérapage n'aura finalement pas lieu comme on se l'imaginait. La grande idée du film : brouiller les pistes. Et ça marche : savons-nous si nous nous trouvons dans une vie complètement imaginée, fictive ou est-ce que la vie retranscrite sur papier a été réellement vécue par Garcia? Nous ne le savons pas réellement. Nous nous retrouvons noyés dans les fantasmes, les histoires, les images, et décelons difficilement la réalité de la fiction.
Métaphore du cinéma sur le fait que la limite entre fiction et réalité est parfois difficile et même malsaine, sur la corde raide, sublimation d'un cinéma perdu, Hitchcockien, rêvé, et chronique d'un cauchemar éveillé. La fin du film est une chute logique pour le héros (Germain), mais il y a un sursis heureux dans cette fin ouverte : fiction ou réalité?. Mieux : une mise en abyme : l'auteur des rédactions, Garcia, est à la recherche d'une fin pour son histoire de la famille Rapha. Il a du mal à choisir. Métaphore du cinéaste cherchant avec difficulté une fin pour son film? Quoiqu'il en soit, nous nous retrouvons dans la même situation que Garcia, nous imaginons une fin idéale, une bonne fin pour le film. Nous cherchons encore.
La dernière scène, magnifique, qui montre Germain et Garcia imaginer une histoire à partir d'une scène de dispute sur un balcon, et l'ultime plan du film, constituent un hommage direct à Hitchcock et à "Fenêtre sur cour"(1953) et dévoilent la clé de compréhension de l'oeuvre : nous voyons moins que nous imaginons et même fantasmons les vies vues et entraperçues. Et nous éprouvons du plaisir et de la jubilation à voir, observer et interpréter. Le cinéma est donc éternel.