Critique : De battre mon coeur s’est arrêté (Le personnage de la mère)

« L’idée c’est sortir un peu moins con que quand on est rentré »
Un Prophète.


Jacques Audiard, sans conteste l’un des meilleurs réalisateur français de sa génération, le fils de Michel Audiard, le grand scénariste des Tontons Flingueurs, notamment. Il a hérité de son talent pour les dialogues puisque que avant d’être réalisateur, il a été scénariste et dialoguiste. Il est né le 30 avril 1952 et réalise son premier film en 1994 après avoir fait plusieurs tournage, Regarde les hommes tomber. Il enchaîne avec Un héros très discret en 1996 mais apparaît au grand public avec Sur mes lèvres en 2001. 4 ans plus tard, en 2005 donc, sort De battre mon coeur s’est arrêté. Le succès est là : César du meilleur film, du meilleur réalisateur, de la meilleur musique, du meilleur montage et de la meilleur photographie. Bref, il rafle tout. Ce film est inspiré de Fingers de James Tobback (Mélodie pour un tueur, 1978), ce film narre l’histoire de Tom (incarné par l’excellent Romain Duris), une crapule de l’immobilier parisien qui retrouve l’occasion de revenir à sa passion de toujours, le piano. Je m’attaquerais à la critique de ce film, mais finissons sur Audiard. Car il est l’un de mes réalisateurs préféré, il a réalisé l’excellent De rouille et d’os et le tout nouveau Dheepan sorti respectivement en 2012 et 2015 et à aussi signé mon film préféré avec Un prophète sorti en 2009 (Grand prix du Jury à Cannes et pas moins de 9 césars.), ce qui me plait chez Audiard c’est sans doute son universalité, il convainc et le jury de Cannes, le grand public mais aussi les rappeurs, représentant une certaine population, Lino, peut-être le plus grand et ancien rappeur français lui donne ces vers : « J’plaide avec des rasoirs dans la bouche, comme Malik/Mais, la vie, c’est pas un film d’Audiard, y’a rien de gratté à l’avance. » Lino, Requiem. La référence est totalement assumé, mais permet aussi de détacher une vision de la mise en scène d’Audiard, des personnages torturé dans une réalité exécrable. Il marque même les nouvelles générations avec par exemple : « De battre mon coeur s’est arrêté, j’ai souvent du mal à contrôler mon orgueil » Hayce Lemsi, Jusqu’au dernier souffle. 
 Ce mélange d’une violence du cinéma post-moderne allié à une mise en scène inspiré du réalisme poétique séduit fortement, moi le premier, dans De battre mon coeur s’est arrêté, c’est la question de la mère qui m’a touché, peut-être pour des raisons personnels, mais aussi parce que je cherchais une explication à ce titre.



 Le titre apparaît de manière presque fantomatique, que l’on discerne d’abord difficilement puisqu’il apparaît sur une source lumineuse, puis par intermittence, comme un battement de coeur. Ce titre est très lié à la mère, et s’en ai l’explication que j’en ai trouvé, en effet la première phrase de la mère est « J’arrive pas à me concentrer, j’ai le coeur qui bats trop fort » clin d’oeil qui ne prend sens que par le titre notamment que Audiard a choisit que la mère soit morte, ce qui n’était pas présent dans Fingers. Dans cette séquence la caméra-épaule est distante qui amène une opposition claire : Tom est dans un fauteuil, buvant de grande gorgées de Whisky, alors que sa mère, dans un son acousmatique, paraît paniqué à l’idée que son morceau ne soit pas parfait, la longue focale isole Tom du piano, il paraît donc à la fois très proche mais inaccessible. J’adore qu’un personnage se remet en question, particulièrement plongé un personnage dans une nostalgie à ce moment du scénario (16 minutes), et Audiard le fait magnifiquement, mais le génie apparaît après. La caméra épaule, se resserre, tremble plus, adoptant la vision d’un spectateur, pourtant Romain Duris à le visage plus doux, éclairé en réflexion par la partition de musique notamment, le côté spectrale de la mère survient ici, de manière discrète, sans fioritures dans la mise en scène ce sujet sensible de perdre un parent et de s’en faire hanter, quand Tom se rend chez le musicien pour prendre des cours, le dialogue devient plus incisif quand Romain Duris dit : « Ma mère était pianiste […] j’ai grandi dans la musique, depuis que je suis tout môme il y a toujours eu un piano à la maison. » C’est ici que l’on pourrait caractériser la plus la mise en scène d’audiard : Un dialogue qui crée les faiblesses du personnage, lui qui à l’habitude d’être le méchant, une caméra épaule en 3ème personne qui peut représenter le point de vue de la mère, la barrière du monde de la musique formé par le professeur gauche cadre, mais nous sommes derrière son épaule, de l’autre côté. La méchanceté gratuite envers la nouvelle copine de son père s’explique aussi par un deuil peut-être pas totalement fini, et la caméra, le mettant en puissance mais de manière monstrueuse Romain Duris alors que la caméra est très distante de Christine, la caméra la juge, à la fois du point de vue de Romain Duris et d’un côté plus spectateur.


L’utilisation de la caméra épaule à distance, permet à la fois au spectateur de prendre du recul sur les séquences, mais aussi peut-être est-ce un moyen pour Audiard fils, de placer la mère dans sa mise en scène pas seulement par la musique.
« Si tu bouffes, c’est à cause de moi ! Si tu rêves, si tu penses, si tu vis, c’est à cause de moi ! »


Un Prophète.


“Le cinéma, très tôt, a prouvé qu'il valait mieux cacher que montrer.”
Jacques Audiard

YouenMarivain
8
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le 7 févr. 2016

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