Je ne m’attends plus à ce que le cinéma français me surprenne, mais ce film m’a pris·e de court. Pourtant ça démarrait mal, et je m’attendais aux cafouillages narratifs habituels en voyant dès l’introduction un couple stagnant, nourri de colère et supposé faire rire parce que « haha, notre culture du mariage qui systématise la frustration, l’incommunicabilité, l’autoflagellation et la culpabilité est si cocasse ». M’eût-on dit que c’est avec un twist aussi classique que « je prends ta place, tu prends la mienne » que Pouzadoux mettrait un coup de pied dans la fourmilière, j’y aurais encore moins cru.
Il faudra tolérer de plonger dans les habitudes très ancrées des Français pour s’en rendre compte, mais De l’autre côté du lit a bien des niveaux : avec ses personnages traitant le sexisme par le sexisme et qui se gamellent en se demandant ce qu’ils ont fait de travers, il répand une ironie dont il est laissé tout loisir au spectateur de rire... ou de se vexer. Je ne suis pas passé·e à côté des piques multiples à l’encontre des critères de genre, ainsi que du jugement, de l’intolérance et des dysfonctionnements conjugaux qu’ils engendrent. La réalisatrice ne se cache pas de dire que ce sont des tares auxquelles on se soumet quasiment tous de notre plein gré, et je serais curieux·se de savoir combien sont ceux qui ont désavoué le film, non pour des raisons très objectives, mais pour ce large côté engagé qui se dissimule, nous met face à la stupidité de certains réflexes culturels, et propose de vraies solutions sans amertume.
Car oui, en plus d’avoir admiré l’élégance avec laquelle Pouzadoux se sort du carcan du couple toxique (par trop surreprésenté au cinéma français), j’ai passé un bon moment, et beaucoup ri des déboires bon-enfant (mais lourds de sens) de Sophie Marceau et Dany Boon découvrant avec candeur ce que l’autre devait s’imposer pour un tas de raisons qu’eux-mêmes ignoraient. Chacun d’eux est convaincant et adorable dans la vie de son partenaire, et ils finiront par dépeindre un couple sain qu’il me chagrine de devoir qualifier d’utopie, car ils font passer ça pour si facile...
Bref, c’est un film plein de sagesse qui n’est pas devenu obsolète malgré quatorze ans de rapide évolution sociale autour du genre. À moins que ce soit un signe qu’on a peu progressé depuis lors... mais ce serait une raison de plus pour le voir !