Le sursis esthétique de l'homme mort

Esthétique à défaut d'être pleinement cinématographique, le cinéma de Jim Jarmush est avant tout une capture de son temps. Stylisé, luminescent jusqu'à la transparence et diablement millimétré, ses films (celui-ci en particulier) sont avant tout l'évocation d'un mystère pour son auteur. Ici, la mort, qu'on rencontre dès les premières minutes à bord d'un train en partance pour l'ouest.


Mais c'est aussi là sa faiblesse. Mystérieux amoureux de son mystère, poétique amoureux de sa poésie, musical amoureux de sa BO, lumineux amoureux de son projecteur... Jarmusch, dans un noir et blanc gras et outrageusement contrasté, tente de déshabiller son spectateur sans rien donner en retour.


C'est superbement filmé, mais... C'est sensible, mais.... C'est bien interprété, mais... C'est correctement écrit, mais...


C'est un peu court.


Et l'âme s'épuise dans une rencontre qui n'a pas lieu. Piétinant autour de l'animal blessé, Jarmusch distille sa métaphore filée de la mort tout au long de ce Western sans en révéler sa vision intime. Réfugié derrière le symbolisme (actuellement très couru) des cultures animistes et chamanique, Jarmusch fait une oeuvre rhétorique sans aller au bout de son interrogation. Dommage.


Si le plaisir de vos yeux se suffit à lui-même, vous ne regretterez pas le voyage (et c'est déjà assez rare pour le mentionner). Mais si vous attendez du cinéma qu'il ravisse autant votre esprit que vos yeux, passez votre tour et continuez de cheminer aux cotés des hommes morts. Car vivre c'est voyager à bord d'un train qui n'a qu'une seule destination, les correspondances et les escales sur le chemin ne sont que sursis... ou presque.

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le 12 févr. 2018

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