Il y a parfois de petites productions comme Amos & Andrew, par exemple, ou comme celle-ci qui se révèlent incroyablement en avance sur leur époque, déboulant de nulle part, prenant le public comme la critique de leur temps par surprise. Tous paraissant incapables de se rendre compte à quel point ces films prémonitoires mettent le doigt où ça fait mal, avant tout le monde. Deadly Hero est un de ces films. Diamant brut que ses propres producteurs ne sont pas parvenus à promouvoir et que tous les publicitaires qui se sont collés à la tâche n'ont pas réussi à vendre comme il l'aurait fallu. Réunissant un casting pour le moins hétéroclite puisqu'il convoque James Earl Jones dans un rôle étonnant de kidnappeur sadique qu'il interprète avec délectation et roublardise, le glaçant Don Murray en flic réac' extrémiste déglingué par la ville qu'il est censé protéger et servir ou encore l'épatante Diahn Williams dont il s'agira du dernier rôle (pour seulement deux films au compteur), mais aussi des caméos d'une autre dimension : Danny De Vito, Deborah Harry ou encore Treat Williams dans un (premier) rôle de jeune flic, préfigurant celui qu'il tiendra dans l'essentiel Prince de New York, que l’on pourrait même voir comme un prolongement naturel du film. Réalisme implacable, mise en scène racée (évoquant celle du formidable Meurtres dans la 110e rue), photographie et cadrages assurés et maîtrisés par un Andrzej Bartkowiak au tout début de sa carrière mais déjà en pleine possession de ses moyens (il est amusant d'ailleurs de constater que le film suivant dont il assurera aussi la photographie n'est autre que Le Prince de la New York !?), montage au rasoir garanti 0% de matière grasse par une inconnue qui n'a apparemment pas eu la carrière qu'elle méritait, bande originale exemplaire du grand Brad Fiedel alors en devenir (et dont c'est l'un des premiers travaux), Deadly Hero est un film policier social éminemment politique, arborant les oripeaux du film d'exploitation Blax' le plus basique (le petit truand noir, la trentenaire blanche intellectuelle et le vieux flic blanc raciste), pour mieux les déconstruire et nous offrir un miroir grossissant à la place.

Tout autant une réflexion étourdissante sur la valeur d'une vie (quelle qu'elle soit) que sur les préjugés raciaux, le déterminisme social, les dérives politiciennes (toujours à des fins personnelles comme chacun sait), les compromissions morales, les petits arrangements avec la vérité et les multiples facettes de la justice ; Deadly Hero propose à ses spectateurs une descente vertigineuse dans les entrailles d'une mégalopole gangrénée, quelques minutes avant son implosion. Bref, tout ce qu'a raté Dennis Hopper dans Colors (tacle effectué par derrière, en toute gratuité). Plein feu sur le pire de l’être humain en mode Sidney Lumet. Un bad trip étourdissant simplement inoubliable. En somme, une petite merveille inespérée au beau milieu d'un océan de films tièdes.

Torrente
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Le Grand Tri ©

Créée

le 23 mars 2023

Critique lue 29 fois

Torrente

Écrit par

Critique lue 29 fois

Du même critique

Supercock
Torrente
4

Philippines, mon amour !

Ah les Philippines, ses magnifiques paysages, ses formidables acteurs aux gueules cassées, ses charmantes actrices exotiques et ses fameux... combats de *cocks*. Pour être tout à fait honnête,...

le 17 mars 2024

3 j'aime

6

Un jour dans la vie de Billy Lynn
Torrente
2

Thank your for your service?

On a beau essayer de toutes ses forces, parfois on ne comprend tout simplement pas ce que d'autres trouvent à un film. Il faut lire les critiques officielles répertoriées sur Allociné : hallucination...

le 8 juin 2023

3 j'aime

4

Les Nuits de Mashhad
Torrente
3

CIM-10, Chapitre 05, F20–F29

Les Nuits de Mashhad est un film moralement très problématique. C'est le thriller raté d'un expatrié qui peine depuis ses débuts à trouver sa voix, à affirmer sa propre personnalité et qui cette...

le 11 avr. 2023

3 j'aime