Demain
7.4
Demain

Documentaire de Cyril Dion et Mélanie Laurent (2015)

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Ah non je peux pas, j'ai un tour du monde... Bon eh ben...après-demain alors ?!

NOTE : 6/10


On m'a dis tellement de bien de ce film que je m'attendais vraiment à ce qu'on me retourne le cerveau. J'attendais de ce film qu'il soit celui qui fasse tilt, qui fasse dire « Mais oui c'est clair ! » (Eddy Malou aurait d'ailleurs bien sa place dans ce film) Et BIM le monde aurait accéléré son processus de changement vers un idéal écologique. Au final non, on reste sur quelque chose de malheureusement assez plat.


Le documentaire suit un formalisme de mise en scène banal et presque trop lissé pour ce qu'il revendique, se concentrant plutôt sur l'engouement qu'il cherche à susciter. En effet si on veut transmettre un message au plus large public possible, il est pardonnable de rester assez conventionnel dans l'approche qu'on en propose. Ainsi le message peut passer plus facilement et rentrer dans les esprits de manière plus significative. On a donc un parfait cliché du film écolo-bobo-pseudo-hipster : dans le choix des musiques, dans la mise en scène qui se veut proche du spectateur, dans les belles images d'un voyage autour du monde, de coucher de soleils, de paysages, d'autres cultures...


Seulement, pour un film qui se veut révolutionnaire dans son message, il n'y a ici que dans le ton qu'il l'est. Ce ton "tout le monde il est beau" adopté prend en effet à contre-pied le pessimisme habituel qui tourne autour d'un tel sujet. Ici, plutôt que de pointer du doigt ce qui ne va pas, ce qui est signe de la culpabilité de l'être humain, de notre culpabilité à tous donc, le film s'essaie à un inventaire de solutions envisageables toutes plus réjouissantes les unes que les autres. Une échappatoire à notre condition de coupable, chouette ! Ainsi, on parcoure le monde à la rencontre des différents acteurs de ces innovations (ou pas ?! Mais on y reviendra) écologiques, économiques, sociales, politiques... Et c'est en cela, selon moi, que le film possède une vraie force. Ce sont ces gens, qui pourraient être vous et moi, qui ont décidé d'agir, de changer la donne, et de ne pas sombrer dans le cercle dépresso-vicieux du « c'est trop tard, on ne peut plus rien faire de toute façon ». Il est regrettable que cette force soit assez mal exploitée à l'instar du penchant ultra-optimiste se projetant dans un avenir radieux indiscutable.


Malheureusement ce ton optimiste est également quelque peu teinté d'hypocrisie. Très vite on à l'impression de feuilleter le catalogue du Ikea de l'écologie. Des idées pêle-mêle qu'on cherche à démocratiser en les simplifiant, cela ne produit qu'un discours infantilisant qui jamais ne rentre en profondeur pour en extraire ni les enjeux (positifs comme négatifs) ni les tenants et aboutissants. A moins d'avoir 6 ans ou d'être un parfait ignare sur le sujet, ce film se décrédibilise en nous prenant un peu pour des cons parfois. Ici aucune remise en question des solutions ne semble entamée dans ce traitement de surface. Tout ce qui est montré est présenté comme étant indéniablement ce qui fera la vie de demain, et qu'il n'y a rien à redire là-dessus. Mais bon, cette faiblesse du film n'est peut-être que le mauvais tranchant d'un optimisme zélé mal exploité.


Demain tend à prouver que c'est monsieur-tout-le-monde qui peut faire la différence. Que nous, notre voisin, ensemble on est le changement tant attendu. Alors pourquoi partir à l'autre bout du monde (d'ailleurs un tel voyage ne se fait pas en randonnée me semble-t-il, et après on va crier au scandale sur nos politiques et leur jet privé) ? Les initiatives présentées sont-elles liées à des cultures qui ne nous sont pas familières ? N'y a-t-il pas de foisonnement d'initiatives similaires et bien plus proches de nous pour que nous nous sentions davantage concernés ? Car là, ce que le public peut tirer comme leçon (si l'on suit la logique d'infantilisation entamée) c'est qu'il n'y a pas besoin de faire grand chose au final, le monde le fait déjà tout seul ailleurs, un peu partout, y a qu'à attendre que ce soit vraiment partout, que ça arrive jusqu'à nous.


Mais là où le film pêche réellement, c'est quand il ferme les yeux sur un bon nombre de choses et de questionnements qui vont tirailler le spectateur (s'il n'a pas 6 ans). Quelles sont les limites de telles propositions ? Il suffit de fouiller 10 minutes sur le film (ce que je fais toujours un minimum avant ou après le visionnage d'un quelconque film, et qui est très facile grâce à Sens Critique) pour trouver bien des failles qui, si j'étais honnête plutôt que converti par toute cette dégueulée d'optimisme, ferai chuter la note d'un ou deux points. Pour cela je vous laisse vous référer à la critique de LeCactus (http://www.senscritique.com/film/Demain/critique/83878301) et aux articles qu'il partage. Mais alors les solutions, présentées parfois comme innovations, sont non seulement déjà existantes depuis quelques temps, mais sont également montrées sous un regard biaisé, qui s'affranchit du moindre soupçon et qui ferme les yeux sur le moindre doute. Elles sont idolâtrées plus qu'appréhendées à leur juste valeur. Au final on n'apprend pas grand chose : « travailler la terre à la main c'est mieux qu'à la machine...l'énergie renouvelable c'est mieux que l'énergie fossile...l'écologie ça passe par l'éducation...il faut changer nos modes de consommation...il faut revoir nos systèmes politiques et économiques...gna gna gna...oui merci, et ? ». Et ce qu'on apprend est difficile à ingérer sans douter : qu'en est-il du recyclage des panneaux solaires ? Qu'en est il du rendement d'une ferme écolo qui concurrence tant bien que mal l'industrie uniquement par sa main d’œuvre gratuite (voire même étant une source de revenu supplémentaire) ? Qu'en est il de l'impact de telle ou telle innovation, au delà de son impact positif ? Rien n'est tout noir ni tout blanc, on ne peut pas progresser sans impact environnemental, et stagner n'est pas possible non plus. Régresser alors ? On tombe dans le tragique certes, mais cela reste une réalité et l'occulter, ainsi que les aspects négatifs de ce qui nous est montré, devient le point noir de ce positivisme extrême.


Bref si vous regardez ce film sans le son, vous verrez le même beau film sur l'Homme, la Nature, leur (ré)union possible...simplement vous n'aurez pas le sentiment d'avoir été pris pour un con. Mais je suis fervent défenseur des valeurs de ce film (suis-je un gamin de 6 ans écolo-bobo-pseudo-hipster au final ?), de son optimisme et des solutions dont il fait l'étal, je ne peut donc pas être trop sévère sur sa notation. Et j'espère vraiment qu'il participera à l'éveil du public, au-delà d'une simple prise de conscience sur le sujet. Car la prise de conscience doit plutôt être faite sur les points négatifs qui ressortent de ce film afin de ne pas se laisser piéger par les œillères de l'optimisme qu'il nous impose.

PierreG
6
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le 20 nov. 2016

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PierreG

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