Moments de vie

Des hommes , petite pépite du long –métrage documentaire, nous plonge dans l’univers pénitentiaire marseillais. 1 heure 23 de reportages pendant lesquels nous sommes enfermés, à la rencontre de différents personnages au même sulfureux destin : l’incarcération aux Baumettes.

La force de ce docu, c’est qu’il ne verse pas ni dans le larmoyant, ni dans le sensationnel. Les réalisateurs se sont contentés de capturer des moments de vie des détenus et de nous les partager.
Ce qui nous frappe, c’est que Des hommes parvient à nous montrer beaucoup d’humanité chez ces détenus, sans donner l’impression d’avoir eu à pousser pour l’obtenir. Les détenus se livrent : la peur, les larmes, l’ennui, la colère. Chaque moment vécu avec eux, souvent crucial -comme les demandes de libération ou les condamnations au quartier disciplinaire, nous permet de se mettre dans leur peau et de comprendre leurs réactions et leurs sentiments.
Paradoxalement, ce qui frappe (c’est le cas de le dire) dans ce documentaire, c’est la banalité de la violence. Nombreux sont les prisonniers qui parlent de coup de couteau pris lors des promenades, de rixes mortelles quotidiennes. À l’image de cette séquence, où une des responsables de la prison discute avec deux détenus de la mort violente d’un jeune d’une vingtaine d’années. Il a été tabassé lors d’une promenade à l’extérieur des cellules. Elle lâche à l’un des deux hommes, lui-même impliqué dans le lynch et qui risque une nouvelle peine pour homicide, cette phrase qui semble résumer le sort des prisonniers : «vous pouvez pas changer ce qui a eu lieu».
Les partisans de la stigmatisation des délinquants comme ceux de la victimisation, éternels adversaires de pensée politique en France depuis des années, auront la chance d’y trouver chacun leur compte en visionnant des Hommes, voire même de se mettre d’accord sur un constat : cet univers est irréaliste et absolument anormal.
Et c’est ce qui en fait un grand documentaire : on n’en reste pas indifférent. Et surtout, on n’a du mal à croire que ce lieu existe et qu’il est le quotidien de milliers d’individus en ce moment-même en France.
Un documentaire français n’en est pas vraiment un sans une prise de position , qui accompagne la prise de conscience : les auteurs tiennent à rappeler la condamnation donnée par la cour Européenne des droits de l’Homme à la France pour ses conditions de détention, notamment aux Baumettes.