Dans la Russie où le cinématographe vient de faire son apparition, l'image devient reine. Aux devants d'une révolution humaine, la révolution technologique ouvrit la voie aux fantasmes humains avant qu'on pût les mettre à la lumière de la morale.
Ces fantasmes, ils ont été exploités les premiers par des monstres que Balabanov dépeint comme des bourgeois malsains, manipulateurs et taiseux, des visages terrifiants que l'on bafferait volontiers et dont les idées impures peuvent désormais s'imprimer sur la pellicule.
Leurs machinations deviennent pour nous ce qu'elles ont été pour les premières victimes d'une pornographie balbutiante : des nouveautés constantes, des visions neuves sur l'âme humaine, et les questionnements qu'amènent ces manières de plus en plus systématiques et confortables de satisfaire aux faims du corps par le biais d'un outil artistique supposé produire de la nourriture spirituelle, et libérer les Hommes plutôt que d'asservir la Femme.
Le filigrane est aussi discret que son horreur est accablante. Dans un style propre et clair, usant d'intertitres qui donnent un grain et une franchise particuliers à l'œuvre sans en endommager le rythme, Balabanov montre une Russie qui se cherche et où tout est possible. Y compris de banaliser le désir charnel dans un viol métaphorique de la bien-pensance.
→ Quantième Art