A force de chercher un coupable, on le fabrique.

Mettez-moi devant un film où des injustices s’accumulent pour un personnage un minimum sympathique, vous avez de fortes chances que j’aime. Certains font d’ailleurs partie de mes films préférés. Mais comme pour n’importe quel film, il y a des pièges dans lesquels ne pas tomber pour que le coup soit réussi. Deux hommes dans la ville parvient à en éviter... la plupart.


Jean Gabin joue Germain Cazeneuve, un éducateur dans les prisons. Un rôle plutôt à l’encontre des gangsters qu’il incarnait de plus en plus régulièrement dans les dernières années de sa vie. Au risque de me répéter, je ne l’ai jamais vu mauvais, ce film ne fait pas exception. En off, sa voix grave et profonde s’adresse à nous dès le début du film et nous suivra jusqu’au bout. Alain Delon incarne Gino Strabliggi, un ancien cambrioleur de banque qui a fait 10 ans de placard. Là on est plutôt en terrain connu le concernant, un type introverti, taiseux, c’est son rayon.


Ces deux monstres sacrés du cinéma sont face à face pour la troisième et dernière fois, et leur relation est juste et crédible. Leur compréhension mutuelle est clairement un des points forts du film. Nous avons aussi qui Michel Bouquet joue un flic qui pense que Gino va replonger. A l’instar de Javert qu’il jouera 10 ans plus tard dans les Misérables, très vite, on aime à le détester. Notons aussi un rôle de malfrat pour Victor Lanoux qui n’était pas encore Louis la Brocante, et des petites apparitions pour Gérard Depardieu qui n’était pas encore obèse et Bernard Giraudeau pas encore… mort.


En début de film, j’avais déjà plusieurs idées reçues sur ce qu’il allait être. Après que Germain Cazeneuve ait sortir de prison Strabliggi de manière anticipée, se portant garant pour lui malgré la suspicion des magistrats, les minutes suivantes relatant la rencontre de celui-ci avec ses anciens compagnons, je m’attendais à du classique avec Strabliggi rechutant et Cazeneuve mis au ban de sa profession.


Mais le film est autre. Il aborde plusieurs sujets, la réinsertion des délinquants dans la vie civile tout d’abord. C’est aussi la représentation de la justice qui ne voit qu’un côté d’une affaire. Interprétation hâtive de faits, défavorable d’emblée à un accusé et partiale. Ainsi l’inspecteur qui a mis le grappin sur Strabliggi il y a 10 ans refuse fermement de croire à sa réinsertion. Tout détail aussi insignifiant soit-il et même s’il n’est du qu’au hasard, va bientôt jouer contre ce dernier. Autant dire que le système judiciaire de la France en prend pour son grade dans ce film. C’est aussi un réquisitoire contre la peine de mort qui ne sera abolie que 8 ans plus tard.


Mais le film a aussi quelques problèmes, comme un passage où Gino nage dans le bonheur très grandiloquent. Mais surtout, surtout, le défaut principal du film est le TIMING du personnage de Strabliggi. Il ne réagit jamais comme il le faudrait au moment où il le faudrait. Lorsqu’il devrait rembarrer quelqu’un il est cordial. Lorsqu’il devrait arrondir les angles il s’énerve. Lorsqu’il y a un malentendu qui pourrait lui valoir des ennuis, qu'est-ce qu'il devrait faire ? Expliquer la situation le plus clairement du monde de A à Z. On le croit ou on ne le croit pas mais au moins il essaye ! Et bien non, il est vague ou, pire, se mure dans son silence.


Maintenant, je loue le fait que le film ait une certaine retenue. Déjà ce n’est pas un film longuet. Sans foncer ni trainer, l’histoire est bonne pour 1h30, ça dure 1h30, il n’y a pas de longueurs manifestes. La retenue est aussi dans sa gestion des émotions : Il y a certes le moment heureux dont j’ai parlé plus tôt, mais sinon on ne se farcit pas de musique indigeste ou de répliques surjouées et théâtrales aux moments critiques. C’est tout le contraire : Absence de musique lors des moments clefs et globalement le film n’est pas bavard. Et lorsqu’il l’est, c'est-à-dire rarement, si c’est pour entendre Gabin balancer quelques répliques bien sonnées, j’achète.


La fin du film est forte, hélas l'épilogue dispensable qui suit réduit quelque peu son impact. Néanmoins malgré ses quelques défauts, c’est un film que je vous conseille.

The Reg

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