Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, mais tout le monde il est un peu emmerdant

Malgré mon léger tropisme pas toujours assumé pour les « petites comédies romantiques d’auteur », j’avais peur que ce film vire à l’illustration sociologique des nouvelles formes de parentalité, etc. (puisqu’il est question d’un couple de deux hommes dont l’enfant est porté par leur amie Diane).


Mais en fait : non. Et même, étonnamment, pas du tout. Toutes les questions de parenté, de filiation, de mères-porteuses,… ne sont presque pas abordées, et en tout cas, jamais traitées comme un problème.


Petite parenthèse. Le cinéma français d’auteur (pour dire les choses rapidement) est marqué par une tendance : chasser le conflit du film.
Cette volonté de contester l’idéologie du conflit, la nécessité du conflit comme nœud dramatique au cinéma, est saine : le conflit est au cœur d’énormément de films, qui donnent l’impression que l’existence n’est qu’une lutte pour la survie, et rien d’autre.
Mais l’absence de conflit dans un film pose problème. Car la dramaturgie, l’intérêt d’une histoire repose sur le conflit. On peut penser qu’il faudrait s’en déshabituer, mais trop tard, le mal est fait. (c’est peut-être en partie pour ça qu’on a tendance à trouver les films d’auteur français « chiant »)
Et dans ce film, il y a justement terriblement peu de conflits : le climax conflictuel a lieu quand Fabrizio engueule un vendeur Bricorama à propos d’une sombre affaire de douche.


Donc, pour résumer, chasser le conflit, c’est bien, mais c’est risqué.
Mais chasser le problème en même temps que le conflit, c’est jeter le bébé avec l’eau du bain : c’est moins bien.


Un problème n’est pas un conflit : un problème est une question à résoudre, qui force à penser, et qui permet de formuler une pensée. Et il y avait une pensée intéressante à formuler dans ce film, à propos de filiation et de dizaines autres questions.


Mais non, donc. La relation entre le couple homosexuel et Diane, la question de la mère porteuse ne sont qu’une toile de fond, et ne posent aucun problème : les personnages s’entendent bien, sont toujours d’accord ; leurs dissensions sont anecdotiques. Je ne demande pas des disputes tragiques et de l’hystérie, mais il faudrait au moins montrer qu’une telle situation ne va pas de soi, proposer une pensée sur le sujet.


Ainsi, le film m’a donné l’impression d’un refus d’obstacle, qu’il a peur du sujet qu’il aborde, et qu’il refuse d’exploiter son idée, pourtant originale, par crainte d’être maladroit.


Au lieu de ça, le film se concentre sur la naissance d’une histoire d’amour entre une femme et un homme. Soit. C’est toujours chouette et mignon les histoires d’amour (plutôt bien racontée ici, quoique sans grand intérêt), d’autant plus que Diane, solaire et lunatique, et Fabrizio, et son goût pour le taï-chi, sont doucement excentriques (même si au fur et à mesure du film, ils sont de plus en plus banals).


Le film, qui n’a d’ailleurs rien de très cinématographique, choisit donc le récit de la naissance d’une histoire d’amour sur fond de nouvelles formes de parentalité. Et pourquoi pas l’inverse ?

TomCluzeau
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le 20 nov. 2017

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Tom Cluzeau

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