L'inter-minable, ou, Les médiocres pérégrinations d'un ex-jeune-vieux

Ode à l'hésitation, la version longue "interminable" de Versailles-Chantiers devrait aujourd'hui recevoir le succès qu'elle mérite.


Les aventures inintéressantes d'Albert Jeanjean, et de la société petite-bourgeoise au cœur de laquelle il gravite, lunaire, illustrent peut-être le plus justement du monde l'égocentrisme survivaliste dont font preuve, dirons nous, les occidentaux ennuyés, contemporains de l'hyper mondialisation démocratique, fulgurante, de l'époque.


"Dieu seul me voit", autrement dit, "Tout le monde s'en fou".
Alors que tous les regards sont braqués sur les conflits géopolitiques, les événements démographiques et les mouvements sociaux, qui n'en finissent pas de déterminer le nouvel ordre mondial de l'après guerre froide, Albert doit bien vivre sa vie. Avoir une opinion, une identité, être aimé et aimer.


Comment être ?


A la veille du nouveau millénaire, à l'aube du clonage, des bio-technologies, à l'heure de la popularisation de l'informatique et de l'explosion de l'urbanité ; alors que les guerres massacrantes affligent les continents "en voie de développement", de "démocratisation", la revendication existentielle du petit fils de bourges versaillais qui ne sait pas qui-être, sonne fatalement creux.


Toute la qualité de l’œuvre des frères Podalydès, dont cette version longue est sans doute la forme la plus adéquate à ses intentions, réside dans la magnificence modeste de cet appel par l’orgueil à la volonté d'être en phase avec un monde qui ne termine pas de changer.


Ainsi l'adolescence pré-calvicique d'Albert semble également interminable. Poétique, vrai, amusant, discret... le parcours initiatique du jeune vieux Albert Jeanjean transcende les crises et les débats. Personnages aboutis, dialogues précieusement choisis, jeux d'acteurs très soignés sont au service d'un film d'une grande sensibilité, dans un monde où les repères sémantiques sont noyés dans l'information, dans la course à la technologie, à l'unité économique et politique internationale.


Il me semble que ce paradigme est aujourd'hui plus que jamais d'actualité. Les Hommes, les cubains comme les autres, n'en terminent pas de vivre une période spéciale.

vvivien
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le 16 févr. 2018

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