Branlette, morale, branlette morale ?

Soyons honnêtes, au moment de lancer ce Don Jon, premier long métrage de Joseph Gordon-Levitt, je m'attendais à une énième comédie romantique (style que je n'apprécie guère si ce n'est pour quelques rares exceptions.), histoire classique du tombeur qui rencontre enfin - du haut de ses 20 ans - le vrai amour, fait n'importe quoi, puis se rend compte dans le dernier quart d'heure qu'il a merdé, que c'est la femme de sa vie, patati patata.

Sur ce point, Don Jon aura au moins eu le mérite de m'avoir surpris.

Pas bien longtemps ceci dit.

Sans entrer dans les détails du scénario, qui de toute façon tiendrait sans mal sur un ticket de métro, nous sommes ici face à un dragueur invétéré, accro à la muscu et au porno (au point de ne plus pouvoir se satisfaire de "simples" rapports sexuels avec une femme.), qui va faire en boîte de nuit la rencontre de la divine Scarlett Johansson. Notre Joseph est convaincu d'avoir rencontré le grand amour, celle-ci parvenant même à lui faire reprendre ses études, à le faire "aller de l'avant". Bingo.

Malheureusement l'idylle ne durera qu'un temps, tant celle qu'on croyait être une princesse de contes de fées se révèle être une enfant gâtée manipulatrice et hystérique (description qui ne serait pas loin de correspondre aussi à notre héros.) qui ne tolère sous aucun prétexte la relation qu'a notre Apollon avec le septième art pour adultes. S'en suivra la rencontre d'une post-hippie de retour à l'école, interprétée par Julianne Moore, qui, telle le messie, sauvera par une subtile alliance de sexe en voiture, de marijuana et de discours mystique éculés, l'âme de notre héros. Rideau.

Alors bien entendu je grossis le trait, mais il faut dire que je ne vois pas souvent une écriture aussi pataude. Don Jon, s'il se veut être en premier lieu un divertissement, essaie de proposer au spectateur un soupçon d'âme en plus. Et c'est là que le bât blesse : en voulant à tout prix résoudre son intrigue, mettre un point final aux dilemmes moral/pulsionnel/sentimental de son personnage principal, le film est obligé de tomber dans la facilité, le raccourci.

On fait en effet face à une vision terriblement manichéenne de l'homme, et plus particulièrement de son rapport à la Femme. Tout oppose les personnages de Scarlett Johansson et de Julianne Moore : l'une est jeune, sublime, et vient de la "zone de confort" du héros (rencontrée en boîte de nuit.), l'autre est plus âgée, peu mise en valeur, dépressive, et vient de l'Université. Opposition dans la symbolique comme dans l'influence, l'une plongeant le héros dans l'embarras et la solitude, l'autre lui faisant découvrir la beauté des sentiments et des rapports qui en découlent.

Le thème du rapport à la pornographie, qui pourrait être extrêmement intéressant à développer d'un point de vue de la représentation de la femme, du contraste entre le virtuel et le réel, ou plus globalement comme allégorie d'une société maladivement consumériste, n'a pour ainsi dire que peu d'importance dans l'histoire, et fait ici plus figure de mea culpa putassier, façon d'entériner cet amoncellement de bons sentiments. On a compris Joseph : la beauté intérieure compte aussi, et le porno c'est pas bien.

La réalisation, quand à elle, est somme toute plutôt propre, et le montage dynamique, même si certains détails comme le gimmick de l'église m'ont personnellement horripilé.

Si certains ont vu en Don Jon un film féministe, j'y vois personnellement une façon assez chancelante d'exposer une vision étriquée et moraliste du rapport Homme/Femme. Un film qui, plutôt que de faire réfléchir, de tendre des perches, impose des réponses. Prétention ou maladresse, difficile à dire, cependant.

Au final Don Jon propose un thème ambitieux, malheureusement abordé de façon trop grossière et maladroite. Un coup d'essai...dans l'eau.
Timothée_Bois
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le 19 sept. 2014

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Timothée Bois

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