Au lieu de nous infliger une énième ghost-story sans grande originalité, Jim Sheridan nous propose une intrigue intéressante dans l'appréhension psychologique (et notamment la manière à occulter un traumatisme dans l'inconscient) à l'ambiance assez soignée, mais qui se sert des « fantômes » non pour nous effrayer, mais pour susciter la compassion. Pourquoi pas ? L'on pouvait simplement espérer une seconde partie moins confuse dans sa construction et le choix de divulguer trop tôt les atouts principaux de son scénario est soumis à caution. Il demeure néanmoins un thriller fantastique honnête à l'histoire prenante.


Après avoir démissionné pour consacrer plus de temps à l'écriture de son roman, Will Atenton déménage avec sa femme et ses deux filles dans une petite ville. Cependant, il apprend que sa maison fut le théâtre de l'assassinat d'une famille entière par le père. Les voisins semblent le regarder d’un mauvais oeil, mais il ne comprend pas pourquoi.


Jim Sheridan est surtout connu pour nous avoir offert des drames intimistes, le plus souvent basés sur des histoires vraies plutôt que pour des productions commerciales axées grand public. Qui ne se souvient pas de films tels que The boxer ou Au nom du père ? Des récits poignants dotés d'une rigueur et d'une sobriété dont peu de cinéastes peuvent se vanter. Aussi, Dream house s'avère le premier projet du réalisateur dans le domaine du thriller fantastique. Un virage à 180 degrés qui, s'il n'est pas exempt de tout reproche, mérite que l'on s'y attarde.


Le pitch de départ laisse augurer une ghost-story assez classique. D'ailleurs, les premiers instants confirment cette impression. Une famille modèle qui emménage dans une nouvelle demeure. Des voisins bizarres. Des bruits qui le sont tout autant ou des incursions inopinées. Bref, l'on se dit que Dream house n'apportera rien au genre malgré des apparats séduisants. Néanmoins, ce constat n'a pas lieu d'être puisque la suite des événements tend à nous fourvoyer dans des considérations biaisées. En effet, il n'est nul récit d'épouvante à l'horizon. Pour preuve, il se focalise davantage sur le passé de la maison sans faire étalage des artifices de circonstances. Pas de porte qui claque, un froid subit ou des ombres qui se faufilent dans les couloirs. Il s'agit clairement d'un thriller qui emprunte quelques atours au fantastique pour mettre en valeur un scénario assez intrigant.


Car là où l'on pensait deviner la suite des réjouissances, Dream house s'amuse à brouiller les cartes et joue sur la psychologie des personnages (et la nôtre par la même) pour susciter la curiosité. D'ailleurs, la seconde partie laisse place à toute sorte de conjectures sur ce qui se passe réellement. Si vous connaissez la bande-annonce ou avez lu quelques résumés disséminés çà et là sur le Net, vous n'êtes pas sans savoir que Will serait le père qui a tué sa famille et qu'il voit des fantômes. Cette révélation est assez vendeuse, mais à mon sens aurait gagné à demeurer cacher puisqu'elle marque le tournant majeur de l'histoire au bout de quarante minutes. Donc, la surprise aurait pu être de taille. D'autant plus que les indices avant-coureurs ne manquent pas.


Dès lors, la seconde partie engrange moult interrogations et l'on se plaît à démêler le vrai du faux. Les illusions sont-elles réelles ou fantasmées pour mieux nous tromper ? Les incursions de la famille de Will sont subtiles, bien amenées et surtout dans le ton. L'intérêt notable du film étant de savoir si sa femme et ses filles sont vivantes ou mortes. Pourtant, Jim Sheridan semble se départir de cet aspect (original et bien construit jusqu'à un certain stade) pour se concentrer sur ce qui aurait pu pousser Will à tuer les siens. Certes, cette partie du récit est non négligeable, mais l'on devinera rapidement la teneur des hallucinations (ou de la réalité) de Will. Le plaisir de la découverte s'en trouve amoindrie, surtout que cela aurait pu donner lieu à un twist final saisissant. Enfin, peut-être...


Au niveau de la mise en scène, pas de grand souci à se faire. Jim Sheridan manie la caméra comme il se doit. L'ensemble se révèle soigné, propre et fluide. On reconnaît la patte du cinéaste pour des images léchées et adéquates. On notera l'alternance d'une photographie froide (qui symbolise la réalité et la mort) avec des teintes plus chaudes (assimilée au foyer, à la sécurité) pour décrire les moments passés avec sa femme et ses filles. Les transitions sont toujours subtiles, sans oublier que parfois les plans se succèdent sans pour autant nous troubler. Par exemple, Will et sa famille sont à l'intérieur de la maison (couleurs vives et réconfortantes), mais à l'extérieur il semble y avoir un inconnu. La peur, l’angoisse et la froideur de l'instant se jouent d'un quotidien en apparence normal pour mieux nous manipuler.


On ne boudera pas son plaisir également en ce qui concerne le casting. Comme toujours, Rachel Weisz sublime un rôle qui, dans d'autres mains, aurait pu tourner à l'anecdotique. De fait, Naomi Watts s'en retrouve un peu effacée en tant que voisine bienveillante. Daniel Craig, lui, est assez irrégulier dans la composition d'un personnage ambigu et, par essence, difficile. La plupart du temps, son jeu n'est pas à remettre en question, mais son caractère taciturne manque de crédibilité dans les moments où il reprend conscience de sa véritable identité ou de son passé. Enfin, on aurait aimé une place plus conséquente pour Elias Koteas qui sert simplement de remplissage à l'intrigue.


Doté d'’un scénario intéressant, mais qui peine à tenir toutes ses promesses, Dream house semble nous retenir dans une certaine contradiction. L'entame laisse augurer une ghost story, la suite nous donne tort. Le noeud principal est révélé au milieu de la moitié du film. Les acteurs sont bons, mais certains passages manquent de répondant. La construction est chaotique et certains choix sont difficilement compréhensibles, comme évoqués plus haut. Néanmoins, Dream house parvient à susciter la curiosité. Le fantastique étant relégué au second plan, la psychologie des protagonistes occupe une part non négligeable dans la progression du récit. Dès lors, on prendra plaisir à démêler les mensonges de la vérité, même si cet exercice deviendra étrangement facile plus en amont. Il en ressort un film plaisant.


Clin D'œil :
Daniel Craig n'était pas le premier choix pour le personnage de Will, loin de là ! En effet, Christian Bale et même Brad Pitt avaient été considérés pour le rôle.

Blockhead

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