Après le très bon Big John, documentaire consacré à John Carpenter, les réalisateurs Julien Dunand et Gildas Houdebine s'intéressent cette fois-ci à l’histoire mouvementée du légendaire festival d'Avoriaz, véritable mecque du cinéma fantastique ayant fait rêver des milliers de cinéphiles de 1973 à 1993.

Évènement médiatique sans précédent, créé par le président du Groupe Pierre & Vacances Gérard Brémond et le publicitaire Lionel Chouchan, ce «Festival de Cannes d’hiver» eu pour utilité première de faire connaître la toute nouvelle station de ski savoyarde au grand public mais se transforma au fil des années en une manifestation incontournable ayant consacrée avant l’heure des réalisateurs aussi importants que Steven Spielberg, Brian De Palma, David Lynch, George Miller, David Cronenberg, James Cameron ou encore Peter Jackson. Durant plus d’une heure, Du Sang sur la Neige retrace donc cette folle aventure et en profite également pour examiner l’évolution du cinéma fantastique de l’explosion des années 70 à la petite mort des années 90.


Le jeune Steven Spielberg, premier grand prix du festival pour Duel en 1973
En s’appuyant principalement sur des images d’archives, les réalisateurs dressent ainsi le portrait nostalgique d’une époque ayant vu l’éclosion de nouveaux courants et de nouvelles figures du cinéma de l’imaginaire. Une période bénie durant laquelle toutes les folies paraissaient possibles, tous les excès étaient envisageables afin de repousser les limites du genre. Appuyé par les témoignages éclairés d’intervenants de qualité tels Jean-Baptiste Thoret, Christophe Lemaire ou encore Philippe Rouyer, ce documentaire méticuleux part de l’année de création du festival et passe au crible chaque édition en replaçant certains films clés marquant couronnés par la manifestation dans le contexte historique du cinéma fantastique. C’est donc une véritable cartographie simplifiée du genre que nous propose ce film, un parcours balisé décryptant intelligemment la résonance culturelle et l’impact “social” des différentes évolutions d’un cinéma souvent réduit à une simple provocation de façade.

Mais au-delà de cette approche rigoureuse, Du Sang sur la Neige est également un film extrêmement drôle, tant la superficialité du battage médiatique entourant le festival à l’époque parait désuète de nos jours. Il faut cependant bien comprendre que cette manifestation était un évènement culturel majeur dans les années 70 et 80, un des grands marronniers journalistiques de l’année à couvrir sous tous les angles. Ahurissant à ce titre de voir Michel Drucker parler en plateau de Massacre à la tronçonneuse après avoir diffusé à l’antenne un extrait du film un dimanche après-midi. Un autre temps, vous dis-je.


Snowbocop, le Robocop savoyard (dont les jambes sont montées à l'envers)
Il est également amugaçant (un mélange subtil entre amusant et agaçant) de constater que certaines personnalités françaises invitées à grands frais par le festival afin de faire partie du jury (et accessoirement générer une couverture médiatique conséquente), ne comprenaient manifestement pas grand chose aux films qu’elles étaient censées juger et les considéraient avant tout comme des œuvres au mieux anecdotiques, au pire proprement révulsantes. Mention spéciale à Michel Blanc, parlant avec le plus grand mépris du Terminator de James Cameron comme s’il s’agissait d’American Cyborg de Boaz Davidson. Une attitude symptomatique d'une condescendance indéniable du “milieu” envers ce sous-cinéma encore perceptible de nos jours et sans doute à l’origine de la descente aux enfers du fantastique français depuis la fin de la glorieuse période Tourneur, Franju, Duvivier, Cocteau dans les années 60.

Pourtant ce documentaire est bien loin de tirer un constat amer concernant la place est l’évolution du cinéma fantastique. Au contraire, il semble célébrer le genre en chroniquant avec soin la trajectoire météoritique d’un festival dont la courte existence correspond précisément à l’explosion créative puis au nouvel âge d’or d’un genre qu’il a parfaitement su accompagner et valoriser jusqu’à son explosion en vol dans les années 90. Un testament jubilatoire donc, qui en mettant en évidence la nature cyclique du renouvellement artistique cinématographique, parvient à conclure ces soixante-dix minutes avec une touche d’optimisme. On regrettera simplement une conclusion pour le moins hâtive et assez frustrante ne parvenant pas à “boucler la boucle” du point de vue narratif. En effet, il aurait été préférable d'allonger la durée du documentaire d’un bon quart d’heure afin de traiter convenablement la transition entre le festival d’Avoriaz et son “remplaçant” : le festival international du film fantastique de Gérardmer. Mais ce petit défaut de structure ne vient aucunement gâcher un docu passionnant de bout en bout qui saura assurément satisfaire les cinéphiles ayant rêvé durant leur enfance d’assister à ce festival mythique.
GillesDaCosta
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le 24 nov. 2013

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Gilles Da Costa

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