Bien avant de réaliser les "Jaws", "Indiana Jones" ou encore "E.T." qui assiéront sa notoriété, Steven Spielberg réalise en 1971 "Duel", un téléfilm pour la chaîne américaine ABC.


"Duel" est le premier long-métrage de Spielberg. Il est toujours intéressant de pouvoir visionner ses premières œuvres à l'époque où il n'était pas encore connu du grand public, surtout quand il s'agit de l'un des réalisateurs contemporains les plus connus et les plus importants du milieu du cinéma.


Adapté d'une nouvelle de Richard Matheson qui signe lui-même le scénario du film, "Duel" nous raconte l'histoire de David Mann, un employé de commerce, qui est pris en chasse par un camionneur sur une route californienne. Ne connaissant pas ses intentions, il comprend que le conducteur du poids-lourd veut le tuer.


"Duel" est un excellent film. Il faut se dire que Spielberg a seulement 24 ans au moment du tournage. D'ailleurs, le film est tourné en très peu de temps (une douzaine de jours). Et pour son premier long-métrage, il nous offre un très bon film à concept et un véritable exercice de cinéma. Le film, caractérisé par le faible nombre de séquences présentes à l'écran est très éprouvant pour le spectateur.


Spielberg est jeune, il a pleins d'idées et cela se ressent dans sa mise en scène. Quand on voit certains plans, on ne peut s'empêcher de penser à Sir Alfred Hitchcok. Ceci n'est pas anodin car Spielberg lui-même a tout de suite penser à Hitchcock en ayant l’idée d'adapter la nouvelle. Il met en scène son film de manière très inventive avec une grande diversité dans les plans et les cadrages qu'il utilise. Le film est accompagné d'une véritable maîtrise visuelle due à une photographie qui offre une excellente esthétique. Le tout donne au film un réel suspens.


Le rôle de David Mann est interprété par Dennis Weaver. Et je peux tout simplement dire qu'il est très bon dans son rôle. Il est arrivé à me faire ressentir toute la tension et tout la peur qui englobe ce personnage qu'on peut considérer comme monsieur tout le monde. Ses nerfs seront mis à rude épreuve tout au long du film. On a peur avec lui et on souffre avec lui. Notre personnage n'est pas seul et son sidekick est une très belle Plymouth Valiant rouge. Cette même voiture qui contrastera totalement avec son poursuivant, un vieux camion Peterbilt 281.


C'est là que j'en viens au point principal du film. Le fait qu'un camion soit le méchant du film. Le fait d'avoir peur, d'être terrorisé par un engin motorisé est une chose brillante. Parce que ce camion n'est pas qu'un simple engin motorisé, c'est une machine à tuer, un monstre, un prédateur. La route est son terrain de chasse et notre conducteur est sa proie. Spielberg filme le véhicule sous tous les angles et sous tous les points de vues, ce qui renforce à donner de la personnalité à cette faucheuse de la route. Le conducteur du camion dont on ne voit jamais le visage est joué par un cascadeur du nom de Carey Loftin. Par curiosité, j'ai voulu aller voir à quoi ressemblait notre cascadeur mais je me suis finalement ravisé à cette idée. Car en fin de compte, je ne veux absolument pas mettre un visage sur ce conducteur, cela gâcherait toute l'intention que le film essaye d'insuffler. Pour moi ce conducteur n'est pas un être humain mais juste une partie du corps du camion. Ce corps motorisé tout crasseux avec ses phares pour yeux, son klaxon assourdissant en guise de cordes vocales, son moteur recrachant sa vaste fumée noire polluante en guise de poumons et ses nombreuses plaques d'immatriculation de différents états qui au final ne donne aucune réelle identité à notre machine.


Spielberg se permet même de s'amuser avec nous si je puis dire, ou plutôt de s'amuser avec les nerfs de David Mann en donnant une image positive du camion lorsqu'il vient en aide au chauffeur de bus et les enfants en poussant le bus pour les aider à redémarrer. Mann comprend alors que ce chauffeur n'est pas un chauffard qui tue tout les personnes qu'il rencontre sur sa route. Sa cible est lui et uniquement lui, emmenant notre personnage un peu plus vers les ténèbres. Car oui, le film a beau se passer en pleine journée sous un soleil aride, nous sommes dans les ténèbres. Et on a beau être sur de longues routes californiennes avec un vaste paysage autour de nous, on pourrait presque se croire dans un huis clos tant notre personnage est enfermé et bloqué dans une situation où il ne peut compter sur personne d'autre que lui pour s'en sortir.


La fin du film peut paraître un peu brutal mais arrive à point nommé. On souffle enfin et on est soulagé que ce cauchemar soit fini. Mais encore une question subsiste en nous et c'est cela qui fait que c'est peut-être le film le plus frustrant de Steven Spielberg. Car on ne saura jamais pourquoi ce chauffeur de camion a tenté de tuer notre héros. Mais en fin de compte, c'est bien mieux comme ça car cela permet d'avoir une autre vision, une autre lecture de ce que représente le camion. On peut alors voir ce camion comme une métaphore de la mort. Cette même mort qui n'a en soi pas de réel but ou de sens que celle de chercher à retirer la vie d'autrui.

Paplard
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le 3 juin 2015

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