Le monde de Van Sant est un autre monde.


Le monde de Van Sant est un monde où jouer aux jeux vidéos et regarder des documentaires sur le nazisme risque fortement de vous rendre violent.
Le monde de Van Sant est un monde où l'homosexualité est réduite à l'expression d'une frustration amoureuse et sexuelle dans le monde trop cool des gens normaux.
Le monde de Van Sant est un monde où un groupe de filles est capable de se réjouir d'une attaque terroriste sans avoir peur DU TOUT, juste parce qu'elles n'auront pas cours.
Le monde de Van Sant est un monde froid, sans émotion, sans notion d'humanité, et totalement décalé de toute forme de réalité, de raison, de cohérence.


Mais pire que le monde de Van Sant, il y a le cinéma de Van Sant !


Le cinéma de Van Sant consiste en un défilé de mode où les jeunes se pavanent et jouent de leur beauté physique pour compenser le vide abyssal du scénario.
Le cinéma de Van Sant est trop génial puisqu'il est composé de tous plein de plans-séquences, d'ailleurs tous les films composés de plans-séquences sont des chefs d'oeuvre INDISCUTABLES.
Le cinéma de Van Sant est condescendant, faux, artificiel, pompeux, lourd.


Mais surtout, le cinéma de Van Sant se sert d'un concept intéressant pour en faire du vide.


Je cite le synopsis : "Pour chacun des élèves, le lycée représente une expérience différente, enrichissante ou amicale pour les uns, traumatisante, solitaire ou difficile pour les autres."


Ici, on pense donc qu'on va assister à un film qui se place dans les points de vue d'élèves différents et de leurs expériences du milieu scolaire, pour montrer ceux qui ont du mal avec le système social de l'école, ceux qui s'en sortent mieux, ceux qui sont super populaires, ceux qui sont à la marge...
On pense qu'on va avoir droit à une critique du malaise qu'on peut ressentir lors de ces années-là, quand on est à côté de la plaque. On pense qu'on va avoir droit, à travers le traitement d'un Fait Réel, un film réaliste ou au mieux consistant dans son propos, et qui va prendre la peine de faire ressentir des choses à son spectateur. Lui faire ressentir des choses par rapport au genre de rejets de la part des autres qui amène à en venir au meurtre. Par rapport au genre de pression sociale, de problèmes relationnels, qui peuvent donner lieu à ce genre de drames. Par rapport à ce qui engendre ce genre de situations regrettables.


Et tout ce qu'on a, c'est une scène de 1 minute montre en main où on voit la pauvre obèse qui se fait tabasser par je ne sais plus quoi, à côté de plans-séquences de 10 minutes sur la petite bouille d'un bel éphèbe marchant longuement dans les couloirs, et de scènes de 5 minutes de conversations insipides de jeunes filles qui racontent des banalités inintéressantes.
Paie ton film qui se veut de suivre "tous les points de vue" ! Van Sant filme les "winners", il emmerde les "loosers". Même si c'était voulu comme une critique du système qui met en valeur les uns par rapport aux autres, je trouve ça fondamentalement moche et profondément désagréable.


Alors j'ai quand même mis 4, parce que oui, c'est joli. Ces 1h20 sont passées assez vite, ça ne me dérangerait pas énormément de le revoir, et puis vu que je trouve les acteurs plutôt mignons, il y a au moins un truc qui retiendra mon attention et me permettra d'aller jusqu'au bout du truc.
Et puis au-delà de ça, je veux bien voir que l'intention du truc est de ne pas mettre trop de pathos là ou n'importe quel autre artiste serait venu mettre de la dénonciation ou du sentimentalisme. D'accord, l'esthétique du film est intéressante, et ce qu'il tente sur la forme est louable. Faire preuve de neutralité, pourquoi pas.
Mais dans le fond, c'est tout simplement dégueulasse, bourré de clichés, bourré de suffisance et de frime...
Je n'ai rien contre les auteurs égocentriques qui ont leur manière de faire, leur vision de choses. Mais là c'est tout simplement malhonnête et insultant envers quiconque ayant vécu de façon difficile ses années collège, ou lycée, ou n'importe quel moment du système scolaire. Van Sant se fout complètement de son postulat de base, même l'envolée dramatique à la fin ne procure aucun sentiment et se trouve être simplement ridicule; à tel point que ce qu'on peut reprocher au réalisateur est de faire preuve non pas d'immoralité, mais carrément d'opportunisme.

Créée

le 19 avr. 2016

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burekuchan

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