J'avais détesté El Club du même réalisateur pour son cynisme particulièrement idiot, et c'est encore une fois ce qui m'a sûrement le plus gêné avec Ema. Je ne comprends vraiment pas ce cynisme outrancier mais en réalité inoffensif qui ne sert aucun propos particulier, qui nous plonge dans une forme d'irréalisme sans cohérence avec la volonté manifeste de l'auteur de nous faire rentrer en empathie avec son personnage principal. C'est juste gratuit, mal écrit, ça ne fonctionne pas, personne n'ayant vu ne serait-ce qu'un seul Lars von Trier ne pourrait être mis mal à l'aise face à ces quelques lignes de dialogue complètement grotesques. Heureusement, cet aspect-là se perd un peu à partir d'un certain moment. Heureusement, l'actrice principale a un charisme incroyable, une présence qui envahie le cadre. Heureusement, les scènes de danses sont superbes, pareillement pour la photographie et certains moments suspendus dans le temps qui valent le détour.


Cependant, j'ai trouvé les relations entre les personnages et les motivations d'Ema très floues, trop rapidement dessinées. Je ne comprends pas ce rapport au feu qu'entretient le film, j'ai l'impression que c'est uniquement symbolico-symbolique comme démarche, et franchement on a vu plus subtil. J'ai du mal à y déceler un potentiel émotionnel, il y a quelque chose qui cloche dans la structure narrative qui commence par mettre en place les enjeux dramatiques à propos de l'enfant adopté-abandonné, puis qui les délaissent pendant une heure pour enfin y revenir à la fin dans une précipitation certaine qui bâcle le tout.
Entre temps, on a eu le droit à l'exposé d'une certaine vision libertaire et hédoniste du monde où utiliser son corps pour danser est une forme de libération spirituelle et sexuelle, où baiser est une chose incroyable etc. Un point de vue qui ne me dérangerait pas en soi si Pablo Larrain ne se parerait pas de ce fameux cynisme qui encadre le tout et qui semble vouloir donner un côté subversif à son récit, sauf que ce discours n'a strictement rien de clivant dans la société du cul dans laquelle nous vivons et vers laquelle nous tendons de plus en plus.

Seingalt
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le 7 août 2020

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