D'un regard dénué de tout jugement, cette tyrannie reprochée à Emilie est-elle si préjudiciable ? Si "mauvaise" ? Cette tyrannie de l'intégrité, une intolérance à ce qui s'en échappe est-elle en soi si sujette à la dépréciation ?
Je ne regrette qu'une seule chose de ce film. Chaque poussée d'Emilie, chaque expression de caractère, d'idéaux est immédiatement bafouée par elle-même lors de ses discussions avec sa soeur Lavinia. J'admets la dualité de l'être, son doute et sa remise en question d'elle-même. J'admets cette tension entre émancipation et soumissions à la norme morale et à autrui. Je suis cependant désappointée de ces retours, ces gémissements plaintif lors même que je considère qu'elle ne devrait ainsi se mésestimer et se juger, si durement qu'elle peut juger autrui, l'instant d'après. En est-ce détestable cette honnêteté et cette dureté, cette rigueur que je ne perçois que comme authentique envers ses valeurs ? Non. De se demander comment sa soeur peut encore l'aimer, méjuger son âme parce qu'elle s'écarte de ce que je nomme complaisance. Ceci est la seule amertume qui fait sensiblement baisser ma note. Car c'est un jugement du réalisateur que je ressens presque ainsi, car c'est un jugement sur cette façon d'être que je sens promulgué avec ces scènes.
J'ai aimé les discussions du film, les échanges de répliques courtes et simples mais percutantes. Un véritable travail de concepts incisifs, des phrases précises et concises qui pourtant permettent réflexion ultérieure, qui pourtant touchent. Ce qu'aujourd'hui nous pourrions nommer clashs. J'ai aimé la subtilité, les pointes sur sa poésie, de courts moments, de courtes répliques mais assez poignantes et prégnantes pour s'égrener tout au long du film et de la vie de la poétesse.
Ce minimalisme de mots, ce minimalisme entier est plaisant et reposant.
Le film est dénué d'action, ennuyeux pour certains certainement. J'ai pourtant été captée et trouvé l'enchainement entre paroles, poèmes en voix-off et images si bien fondu, si bien entrelacé et rythmé que personnellement je ne me suis pas ennuyée. Et ceci est un exploit que de ne pas m'ennuyer.
En comparaison, j'ai beau apprécier Only lovers left alive, lorsque je l'ai revu, j'ai très aisément décroché (je n'ai même pas finit mon revisionnage), une fois la dynamique, l'histoire connues, j'ai pu mieux apprécier certains détails tout en m'ennuyant quelques peu de la contemplation et de ces temps morts, beaux mais peu captivant pour un second visionnage.
Ce biopic (c'est bien le terme ? Le cinéma n'est pas mon domaine) sur Emilie Dickinson, qu'il soit assez véridique sur elle ou non (il suit sa biographie, je l'avais sous les yeux), et je suppose que si, m'a véritablement touchée et happée affectivement dans son monde, toujours emplis de mots comme un esprit hanté de pensées incessantes.
Je conclurais en revenant sur cette phrase "mais nous ne sommes que des humains". Là ou Emilie avoue que oui, qu'elle s'excuse, je préfèrerais répondre, et alors ? Indulgence ne signifie pas tout accepter, tout pardonner et tout excuser. L'indulgence signifie pour moi passer outre, oui cette erreur est faite ou peut se faire, ce n'est cependant pas une raison pour la reproduire ou s'acharner à aller au bout. Nos erreurs sont présentes, le paradoxe inhérent et l'incohérence, cela n'empêche de tenter de s'en extirper ou du moins ne pas s'y prélasser avec cette excuse "mais nous sommes humains voyons, c'est ainsi". Ce n'est pas parce que quelque chose est ainsi que cette chose doit le rester. Je pense que cette humanité dépend de la référence de base, ce qui est qualifié comme tel, ce qui est qualifié comme erreur ou même idéal. Il n'en existe d'universel. Ils sont tout individuels et il est donc absurde de récuser les idéaux d'un individu comme cela se produit envers Emilie.
Je salue également la réflexion amorcée sur la poésie et le poète lors de la confrontation avec l'éditeur.

Indriya
7
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le 4 déc. 2017

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