Premier film du franco-algérien Karim Moussaoui, En attendant les hirondelles était en lice dans la section Un Certain Regard de la 70e édition du Festival de Cannes. Le réalisateur a choisi de relater une histoire, ou plutôt trois histoires se déroulant en Algérie, centrées sur des protagonistes provenant d’espaces et de classes sociales variés.


Le récit débute dans un cadre bourgeois au sein duquel deux sexagénaires, autrefois mariés, semblent désabusés par la tournure qu’a pris l’histoire politique de leur pays, tandis que la nouvelle compagne de l’homme ne rêve que de retourner en France dans le but d’échapper au chômage. Le spectateur suit ensuite les aventures d’un employé du vieil homme, qui débute un périple pour conduire à son mariage une jeune femme de son voisinage, tous deux sachant pertinemment qu’ils sont en train d’enterrer à jamais leur amour mutuel. Finalement, la caméra se focalise sur les déconvenues d’un médecin quinquagénaire qui est rattrapé par les erreurs de son passé, incarnées par un enfant illégitime, alors qu’il est sur le point d’épouser celle qu’il aime.


Le choix de Moussaoui de structurer son récit de la sorte, attrapant au passage des personnages pour dérouler leur histoire, instaure une dynamique très intéressante renforcée par le style fluide et subtil du réalisateur. Toutefois, le lien entre les histoires évoquées reste ténu et apparaît donc plus comme un prétexte pour évoquer différents thèmes qu’une imbrication réelle de récits parallèles. Il manque une notion de « destins croisés » dans le récit, qui aurait introduit une plus grande empathie pour les différents protagonistes, qui ne font ici qu’aller et venir sans réellement trouver leur place.


Malgré ces faiblesses narratives, le film est marquant par plusieurs aspects. Certains plans sont d’une justesse et d’une beauté absolues, à l’image de cette scène dans laquelle les deux amoureux partagent un ultime moment intime, très fort, avant de se retrouver séparés définitivement par les conventions sociales héritées de leurs familles.


De plus, Moussaoui parvient à dépeindre souvent de façon très juste un malaise réel symbolisé par « l’attente » suggérée par le titre du film. Tous les personnages ont des espoirs, des rêves qui se retrouvent sans cesse repoussés à des lendemains plus heureux, comme si les hirondelles des « Printemps arabes » d’il y a six ans allaient, un jour, prendre leur envol aussi depuis l’Algérie.

sofade
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le 31 mai 2018

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