[CANNES 2022]
Que faut-il attendre d’un film ? La beauté des images, la fluidité du scénario, la prestation des acteurs ?
Le cas Eo me semble assez spécial, puisqu’il se focalise essentiellement sur un aspect : l’image.
Il faut dire que celle-ci est très belle, et bien léchée : dès la scène d’introduction, les jeux de lumière, que la caméra embrasse parfaitement, vous exalteront. Tout au long du film, l’image est belle et très appréciable.
Toutefois, sur tous les autres aspects, Eo pêche.
Le scénario est un beau road movie, plus ou moins ficelé par des rencontres fugaces et quasiment inutiles. De fait, les personnages ne sont d’aucun intérêt là-dedans. Il faudra d’ailleurs m’expliquer comment Isabelle Huppert a pu se perdre là-dedans pour jouer une mère dépressive, dépassée et anonyme…
On me rétorquera qu’il y a pourtant un personnage important, l’âne lui-même ! Mais je ne suis pas d’accord.
L’âne subit une anthropisation forcée : la caméra est souvent collée à lui, comme pour nous en rapprocher, et des plans en vision subjective viennent même encore forcer le trait. C’est comme si Skolimowski ne savait pas qu’un âne est un animal intrinsèquement tendre et attachant. Rien qu’à le voir, même de loin, on se prend d’affection pour lui.
Au final, l’âne n’a été qu’un prétexte pour suivre une aventure à travers les très beaux (et bien filmés !) paysages européens. Le tout en ressort presque avec une esthétique “clipesque”, et c’est dommage : on ressent le voyage, mais on ne ressent pas l’aventure.
Et quel voyage !
Parmi la belle flopée de personnages anonymes, les cibles de la caméra sont bien choisies : dans un élan de bien pensance, Skolimowski s’attarde sur un groupe d’enfants handicapés, puis sur une équipe de foot en surpoids.
L’idée est là, mais le semi-militantisme muet du film n’en fait rien. D’autant plus que l’idée tombe à l’eau lorsqu’on voit les gros noms du casting, les véritables canons de beauté que sont Sandra Drzymalska et Lorenzo Zurzolo.
Au fond, ce film en montre beaucoup mais ne dit rien du tout.
Le tout peut se trouver touchant, et le final en a fait pleurer un certain nombre dans la salle. Mais pour ma part, outre les belles images, les superbes lumières et la musique très efficace, je n’ai rien trouvé de transcendant dans Eo, qui me paraissait même parfois frôler la niaiserie.