Un topo sur Kubrick, pour commencer : son dernier bon film s'intitule 2001 : A Space Odyssey. C'est la dernière fois qu'il a eu un producteur sur le dos pour lui tanner le cul, ensuite il est devenu Maître du Monde, et n'a pondu que des navets d'un vide cérébral étourdissant tant il était occupé à faire mumuse avec des gadgets ( Nouvelles lentilles, Steadycam, etc... ) pour proposer une forme nouvelle.

Fort heureusement pour lui, ce formalisme survit à l'absence de fond, et les gens le considèrent comme un Pape intouchable. Il ne s'agirait pas de dire du mal de lui...



Eh bien moi j'en ai rien à foutre, je suis incoercible :
Orange Mécanique est la pire adaptation jamais faite ( d'un des 5 plus grands livres du XXe siècle, en plus... )

Barry Lyndon c'est des zooms et des bougies ( un bémol sur celui là : je ne l'ai vu qu'une fois, et pas franchement cherché à l'analyser. )

Shining une incroyable farce sous acide, sorte de pendant à Fear and Loathing in Las Vegas tant l'humour est proche...
Full Metal Jacket ne vaut que pour les quarante premières minutes, sur les épaules de Vincent D'Onofrio, et le reste au mieux arrive avec 17 ans de retard sur MASH, au pire se fait torcher le fion par n'importe lequel de ses contemporains ( mettons Platoon et Casualties of War. )



Du coup, quand vient l'heure d'entrer dans la salle pour voir Eyes Wide Shut, je redoute le pire. ( une parenthèse : souvent quand je redoute le pire, le film ne me parait pas si mal, tant je plaçais la barre bas. Des trucs comme La Plage ou I, Robot m'ont paru tout à fait supportables grâce à cette technique. ) Et c'est bien le pire qui m'est présenté. En plus d'être d'une connerie confondante, ( j'y reviendrai juste après ) le film ne propose même plus une forme digne de ce nom. C'est filmé comme n'importe quel téléfilm M6 de l'après-midi, avec un peu de sexe au beau milieu pour faire déviant.
Ce que je considérais comme la seule force de Kubrick vole en éclat.


Quant au contenu, allons-y gaiement : Tom Cruise, docteur, a le malheur d'entendre sa femme Nicole Kidman lui annoncer, entre deux taffes de Marie-Jeanne, qu'une fois elle avait vu, de ses yeux vu, un marin qu'elle se serait bien pécho. Là dessus il pète littéralement les plombs et part dans des abîmes de perplexité en cherchant à assimiler le concept même de la jalousie. De putes en partouzes, son épopée le mènera nulle part si ce n'est droit dans le mur, et, une fois redescendue, sa femme lui annoncera qu'en fait elle voudrait bien baiser.



Une morale au moins aussi conne que celle d'Entre amis et voisins de l'inégal Neil Labute : le sexe est à la fois notre cause et notre but. Ah ouais, super, quand on a quatorze ans, mais au bout d'un moment il faut savoir passer à quinze !


La nouvelle : Traumnovelle était peut-être avant gardiste dans les années 20, mais à mon sens, passé les années 60 elle est carrément ringarde, et l'amener dans les "années-Sida" en prenant soin d'écarter certains points litigieux comme le fait que Tom Cruise ne soit pas Juif, je trouve ça de très mauvais goût. D'autant qu'au début de la décennie, Paul Verhoeven avait déjà fait le film-sexuel-poussif à la sauce nineties, sauf qu'en plus de ça, il était responsable dans sa description des participants.
Dans Basic Instinct l'orientation sexuelle de Sharon Stone n'était pas une fin en soi. Pas un choc-facile à la noix. Et Michael Douglas était un sex-addict cocaïnomane sous la coupe d'une mante religieuse qui le poussait dans ses derniers retranchements, voilà un vrai trauma ! 

Là, en dépit de son "mal-être" Tom Cruise n'a aucun mal à aller d'étapes en étapes dans cette simili-intrigue surannée : " Je suis Tom Cruise, je suis docteur. " assène-t'il à tous les figurants. Et hop, on le laisse faire. " Vous voulez passer ? Vous voulez une place de ciné ? Vous voulez baiser ma fille ? Aucun problème, après tout, vous êtes Tom Cruise, vous êtes docteur ! "



Ensuite, l'utilisation de la musique, qui était largement un des points forts de Stanley, est ici insupportable. J'y vois même un côté systématique de jeu vidéo. Tel lieu : telle musique. Telle ambiance, telle autre. On arrive à des sommets de ridicule quand des coups de piano stridents viennent marteler chaque scène un peu angoissante. Je suis suivi par un mystérieux chauve ! Ding ! Ding ! Ding ! Ding ! On m'a dit d'arrêter de chercher " ou sinon " ! Ding ! Ding ! Ding ! Ding !

Et pour finir, il balance le Requiem de Mozart quand Tom Cruise apprend dans le journal la mort de la pute. Une subtilité de cachalot.

( Bon, pour Chostakovitch, il ne pouvait pas savoir qu'en France ça nous donne envie de souscrire à une assurance. Quoique... Son co-scénariste était Français, merde ! )


Un mot sur Nicole Kidman : elle livre ce que je pense être LA SEULE contre-performance de sa carrière ! Et pourtant elle est dans Days of Thunder et Batman Forever ! C'est dire !

La scène de marijuana est d'une nullité totale. Jamais Kubrick, ni Cruise, ni Kidman n'ont manifestement vu quelqu'un fumer, puis s'exprimer sous l'emprise de la drogue. On a affaire à une performance à la Alain Chabat dans la pub " Ultra Moux de Granier ". Une caricature.



Un jour que je fustigeais ce malheureux film à haute voix lors d'un diner, on m'a annoncé : " Si tu rejettes ce film c'est parce que tu es trop jeune : tu n'as pas eu le temps dans ta vie d'avoir une longue relation qui en vienne à être rongée par le doute... etc ". J'ai immédiatement répondu : " Je n'ai jamais été Samurai non plus, et pourtant, je trouve Les Sept Samurais brillant. "
Le contenu intrinsèque du film je l'ai assimilé, mais je le trouve simpliste et, comme je l'ai déjà évoqué, largement dépassé.
 Au final, l'ensemble est d'un ennui profond, et se révèle n'être que le film-testament d'un joyeux has-been.


mikeopuvty
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le 30 sept. 2011

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Mike Öpuvty

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