Faya Dayi
7.1
Faya Dayi

Documentaire de Jessica Beshir (2021)

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Oui la photographie est sympathique, mais à la limite c'est au mieux le genre de trucs qu'on voit tous les ans à la Gacilly. Et pas de celles en tête d'affiche qu'on voit de la route. Cette photographie seule ne suffit pas à donner du corps au film.

Trop de musique flottante, trop de voix off qui débite des phrases pseudo-mystiques qui n'ont aucun sens, pas assez de son. Ça manque sérieusement d'une vraie prise de son avec une post-prod' solide, ça manque vraiment d'organique à ce niveau-là. Enlevez-moi cette musique et laissez-moi écouter ce camion grincer. Taisez cette voix off et laissez-moi écouter ces corps dans l'eau. Laissez vivre le réel. Les meilleurs moments du film sont justement ceux où la réalité respire, où on chante en effeuillant les branches de khat, où l'auteur se tait en fait.

J'ai aussi des bisbilles avec le montage. On sent qu'ont été repérés les quelques plans un peu plus canons que les autres point de vue lumière : le barbu qui lit près d'une fenêtre, les gamins dans l'eau, etc. Donc on va les cut en douze et les faire revenir en boucle, donnant une vraie sensation de tourner en rond sans réelle justification cohésive. Ce plan-là est visuellement joli alors il faut l'exploiter à fond.

Il est intéressant de ne pas avoir centré le regard du film sur son propre sujet, d'avoir plutôt fait de celui-ci un fil rouge à la narration évasive, pour se concentrer sur un projet esthétique plus englobant. C'est tout à l'honneur de Jessica Beshir de chercher à prendre au sérieux le genre du documentaire en tant qu'objet cinématographique, la coupe au bol de Varda nous manque et je veux montrer mon respect à qui se remonte les manches dans ce jeu. Mais la réalité c'est qu'on a du mal à le cerner, ce projet esthétique. Où veut en venir Faya Dayi ? Il semble gratuit et relevant de facilités de montage d'avoir voulu en faire un objet envoûtant et onirique, lent et contemplatif, mystique, alors même que le sujet est une drogue neuro-stimulante qui aurait pu appeler à un rythme plus irrégulier, et surtout plus organique encore une fois. N'est-il pas question de la faim, au fond ? Alors pourquoi autant s'éloigner du corps ? Et quand bien même : je l'ai dit, en tant qu'objet lent et onirique il peine de toute façon à envoûter, esthétiquement il n'a pas les reins pour se donner cette prétention. Il est surtout laborieux, il rabâche, il ressasse, il remâche, il tourne en rond.

Fondamentalement la photographie est digne de nos yeux. Cet achrome boueux et anthracite, qui a conscience de lui-même en tant qu'achrome et danse avec les reflets, les fumées, ça ne manque pas d'intérêt. Avec ce projet-là, ça aurait sans doute pu se permettre de durer vingt ou trente minutes, mais pas deux heures. Le film mâche encore et encore le même panier visuel sans se laisser respirer en tant qu'objet physique. Pour une matière pourtant aussi passionnante c'est plutôt dommage.

Scolopendre
5
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le 27 sept. 2022

Critique lue 46 fois

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