Même si l'on sent dans ce film "fait maison" une véritable bonne volonté et la naissance d'un style et de son génie, Fear and Desire reste un film de guerre raté.
En effet, les soldats, autant que les spectateurs atterrissent dans un jeu, un jeu de guerre où Kubrick aurait twisté les règles ; la guerre se ferait sans ennemis apparent, sans armes. La vraie guerre se déroulerait en soi, contre soi-même et son propre esprit divergent.
La base révèle d'une grande modernité et montre un point de vue génial quand on considère la date, 1953, soit juste après le traumatisme de la seconde guerre et quelques années avant celle du Vietnam.
On assiste alors à une plongée abyssale dans les méandres des pensées des soldats, Kubrick rendant indépendant chaque personnage, et lui donnant une vrai profondeur. Pourtant le tout reste très superflu. Certes les pensées sont une bonne idée sur le papier mais dans le film le résultat est une soupe sonore où se percutent des inepties, à l'image du personnage de Sidney qui, confronté à une jeune fille prise en otage par le groupe de soldats, se doit de résister à la tentation du viol et sombre dans une folie soudaine et ridicule qu'il traînera jusqu'à la fin. Servit dans un flot ininterrompu de paroles ridicules, pseudo philosophico-métaphysiques (à l'image de la voix off) la scène est terriblement longue et et superflue.
Kubrick tente d'intellectualiser un conflit et de mettre à jour les pensées des soldats, toutes plus compliquées les unes que les autres, qui prêtent à rire tant elles sombrent dans un ridicule que l'on croit recherché.
De plus Kubrick traite la guerre, certes secondaires, juste un prétexte à l'exploration psychologique des soldats, on l'a bien compris, d'une très mauvaise façon ; les actions sont minables, et on sent bien qu'il n'y a eut aucun conseillers militaire sur le tournage tant certaines scènes sont risibles. La violence n'est jamais montrée (début d'un style que l'on trouvera bien mieux réussi dans Orange Mécanique) , le tout dans des effets ratés.
Reste néanmoins de belles images, prouvant le talent photographique du cinéaste, grâce aux décors de la forêt et aux jeux d'ombres qui s'y jouent.
On ne retiendra donc pas cet Apocalypse Now du pauvre plein de bonne volonté qui prête à sourire et se regarde du coin de l’œil.
Heureusement renié par le maître.
Charles_Dubois
4
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le 4 janv. 2015

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Charles Dubois

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