"Break the glass, get out of the coffin ! "

Tiré d'une pièce de théâtre, Five Finger Exercise est une excellente analyse des familles américaines. Même si, la pièce se déroule en Angleterre et donne bien plus de profondeur aux personnages.
Mais ce qui fait la grandeur de ce film malheureusement oublié, c'est surement la diversité et la complexité des personnages de la famille.
La mère, jouée (ou devrais-je dire surjouée ? Je n'aime pas vraiment cette actrice que je trouve très peu naturelle à chaque fois) par Rosalind Russell, a loué une maison de vacances pour le retour de son fils, étudiant à Harvard. Cette dernière est mariée, bien que ce mariage ne tient plus qu'à un fil. Elle entretient une relation tout à fait normal avec sa fille, une jeune adolescente qui semble être la moins problématique de la famille. Son fils (joué par un excellent Richard Beymer, tout en sensibilité) est un jeune homme intelligent, sensible (ce qui est répété environ 1000 fois dans le film) et est très proche de sa mère. A nouveau, en lisant la pièce, on se rend compte des sous-entendus incestueux entre la mère et le fils. Dans le film, l'aspect œdipien est présent mais aurait peut-être eu le mérite d'être plus développé.
Le personnage de Richard Beymer est le plus complexe du film. Si ce dernier entretient une relation spéciale avec sa mère, qu'il semble à la fois aimer et détester, on ressent tout de suite que ce n'est pas vraiment sa mère qui l'intéresse. En fait, on distingue presque un aspect masochiste chez ce personnage, me rappelant l'autre pièce de l'auteur : Equus. L'arrivée du tuteur semble à la fois lui faire plaisir et lui faire peur. En fait, même si cela est plus clair dans la pièce, le fils est surement homosexuel. Rarement dans un film de cette période j'ai ressenti une telle tension sexuelle entre deux hommes. Il n'y a pas à dire que Beymer et Schell on fait un excellent travail, l'alchimie fonctionne parfaitement entre les deux. Les deux acteurs ayant un physique très beau et sachant toujours jouer des personnages sensibles (ce qui n'a pas vraiment aidé Beymer qui est resté toujours coltiné aux mêmes genres de rôles à partir de Le journal d'Anne Frank, alors qu'en tant qu'adolescent, il avait un jeu extrêmement dynamique comme dans Station Terminus ou Johnny Tremain). En lisant la pièce, on comprend que le fils serait sorti avec une fille mais que sa sœur n'en croit pas un mot. La mère ayant toujours de l'espoir que son fils comprendra les femmes un jour. Là est tout le quiproquo du film.
Pour faire simple, la mère est très attirée par le tuteur mais est également très proche de son fils. Le tuteur lui, rend chaque personnages malsains. Lorsque le fils est jaloux, la mère refuse d'admettre qu'il est en fait jaloux du tuteur certes, mais également de sa mère elle même.
Le garçon est en conflit avec son père qui ne le comprend pas, ou plutôt qui ne veut pas le comprendre. Le père un américain banal et n'a aucun intérêt pour la culture. Il a du mal à comprendre que son fils ne fasse pas d'activités sportives comme les "garçons normaux" ( c'est le terme utilisé dans le film). Ce dernier à peur que son fils soit devenu un fils à maman. Le père ne pense qu'à l'argent et veut que son fils ne fréquente que des gens importants. Lors d'une confrontation, le fils lui affirme les larmes aux yeux que la seule personne qui compte pour lui à Harvard est en fait un Indien, aussi sensible que lui.



As far as I'm concern, one of the few people who really matters to me in Harvard is an East Indian [...] Dad, he understands birds and he loves Ella Fitzgerald and he makes the best Shrimp curry in the world.
Citation



Et encore un fois, les gestes, les regards, les mots entre les personnages de Beymer et Schell laisse penser à une relation bien plus qu'amicale, surtout du côté du fils en fait. Des sentiments et pulsions que le fils essaie surement de cacher avec son abus d'alcool. Lisons la déception sur le visage du fils lorsque le tuteur lui annonce qu'il compte se marier et fonder une famille. De plus, comme je l'ai dit plus haut, le fils est assez contradictoire. S'il veut que le tuteur parte de la maison car il est dégouté de l'influence qu'il a sur les membres de la famille, il lui fait ensuite une proposition de partir ailleurs avec lui.



Have you ever been to the Grand Canyon ? It's the most astonishing thing in America. It's like a great cathedral. What do you say we go have a look at it ? Tomorow, the day after ...
Citation



Notons le changement direct de jeu lorsque Schell refuse sa proposition. Le jeune homme rêveur, érotique et sensuel se transforme aussitôt.



Is that all you can say I'm sorry ? Such an awkward position I put you in, don't I ? Poor little immigrant, so careful not to offend, so very sensitive. [...]. Okay your a pet, you've got an irristible accent. You make me sick.
Citation



C'est juste après qu'il va raconter à son père qu'il a vu le tuteur et sa mère s'embrasser, ce qui est totalement faux. En fait, il exerce une vengeance à la fois envers sa mère car elle porte attention à un autre homme, mais également envers le tuteur qui a refusé ses avances.
Au final c'est un étrange triangle amoureux que nous avons là entre la mère, le fils et le jeune tuteur, l'un manipulant toujours l'autre. D'ailleurs j'aurais aimé peut-être voir quelqu'un de plus jeune dans le rôle du tuteur. Il me semble que ce dernier a 22 ans dans la pièce. C'est clairement la meilleure performance de Richard Beymer au cinéma. Et puis j'ai aimé l'ambiance générale du film entre soumission à la mère, l'homosexualité à la fois latente et évidente, la destruction familiale. Il y a même quelques allusions à l'inceste et à la pédophilie qui sont très faibles en raison des censeurs je suppose. Le personnage du tuteur est pathétique et j'aime cette volonté de soumission entre lui et le fils, même si cette dernière n'est pas du même niveau que dans The Servant par exemple. Le tuteur est assez complexe aussi. Il déteste ces parents car ils adoraient les nazis et que son père n'en n'avait pas honte. Mais si ce dernier apparait comme faible lorsqu'il s'énerve, c'est l'autorité de son père qui remonte à la surface. Enfin, j'ai trouvé très intelligent le fait que le fils provoque le tuteur par de simple geste qui passerait presque inaperçu. Avant que ce dernier quitte le salon, il claque des talons pour dire au revoir par exemple.
Et puis, le retournement de situation est très bon. Le tuteur révèle enfin ce qu'il ressent pour la mère de famille.



Do you think it is possible for someone to find a new mother ?
Citation



Et là c'est le choc. En effet, le tuteur insinue que le fils ne ressent pas de la jalousie mais qu'il essaie d'annoncer quelque chose de bien plus profond. La mère veut à présent renvoyer le tuteur, cette dernière trouvant qu'il a une relation malsaine avec ses enfants. Et au final, toutes les personnes qui souhaitaient que le tuteur reste pense l'inverse et seul le jeune fils désire le voir rester. La fin m'a laissé perplexe.


S'il est évident que le tuteur a voulu mettre fin à ses jours à cause de toutes les rumeurs autour de lui. J'ai trouvé ça dommage qu'il survive. Et la fin est assez bâclée. Les parents ont trouvé un nouveau travail pour lui et il n'habite plus chez eux.


Mais j'ai aimé ce malaise qui continue jusqu'à la fin. En fait cette famille est bizarre en elle même et on a l'impression d'être dans un cercle vicieux. La mère a tout ce qu'elle voulait. Et au final, on voit clairement que son fils ne changera jamais. Il est toujours le fils à sa maman, s'excusant d'ailleurs à chaque fois qu'il s'emporte contre elle. Et clairement, on lit toujours dans ses yeux qu'il n'est pas heureux et qu'il ne le sera toujours pas tant qu'il ne partira pas de la maison. Ce dernier n'osant même pas dire non à sa petite sœur.
C'est un très bon drame familial avec des personnages complexes. Peter Shaffer est un auteur étonnant dont l'homo érotisme masculin me fait adorer ses œuvres.

Emmie-Kenza
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le 13 mars 2021

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