Fourbi
6.6
Fourbi

Film de Alain Tanner (1996)

Rosemonde (Karin Viard) est une jeune femme qui ne se pose pas trop de questions car elle considère que ce qui compte c’est vivre. Pourtant, des questions elle pourrait s’en poser car, 8 ans auparavant, elle a été au centre d’un drame pas très clair. Finalement, on sait que Rosemonde a été acquittée. Mais il y a eu une longue instruction et un procès. Tout cela, Rosemonde l’a plutôt mal vécu et elle ne veut plus en entendre parler.
Rosemonde vit chichement avec Pierrot (Antoine Basler) en faisant la serveuse dans un bar quand on a besoin d’elle. Alors, quand un producteur télé s’est intéressé à son histoire, elle a pris l’argent qu’il proposait et commencé à le dépenser. Rosemonde vit au jour le jour et profite de ce qu’elle peut.
Le producteur télé (sourire séducteur rivé sur son visage) travaille pour une nouvelle chaîne qui cherche à monter une émission de téléréalité. Il engage un ami à lui qui vivote comme écrivain. Paul (Jean-Quentin Chatelain) avec sa bonne bouille aux joues rebondies et ses cheveux mi-longs, on sent rapidement que c’est ici le porte-parole du réalisateur.
Paul a accepté de travailler pour son ami producteur pour la seule raison que ça va lui permettre de mettre du beurre dans les épinards. Il faut bien vivre… Alors, quand il sent que Rosemonde le mène en bateau en parlant de tout et de rien (plutôt de rien), mais surtout pas de ce pourquoi il vient la voir, il en est presque admiratif. Sauf que son copain producteur va se charger de lui mettre la pression…

Fourbi est donc le foutoir dans lequel chacun de nous se débat sur cette Terre. Mais c’est aussi le chien de Rosemonde, avec sa truffe qu’il met un peu partout, un peu comme Paul le journaliste qui vient mettre son nez là, comme un fouille-merde… Le film est une vraie réussite du suisse Alain Tanner, portée par la formidable interprétation de Karin Viard. Un film que j’avais vu une première fois alors que je la connaissais encore mal. C’est franchement bluffant de la revoir ainsi. On la retrouve telle qu’on la connaît maintenant. En même temps, c’est différent. Certes, comme tout le monde elle a changé, mais sur des riens et des scènes où elle se lâche complètement, on sent qu’elle ne ferait probablement plus tout ça.

Le film commence par un travelling de premier ordre. Rosemonde marche le long d’un cours d’eau, sur un chemin dallé. Elle est en robe noire, blouson bleu, un petit sac à dos et les écouteurs sur les oreilles. Elle marche énergiquement, isolée dans son monde. Elle fait des gestes accompagnant la musique qu’elle écoute. Cette musique, le spectateur l’écoute en même temps. Rosemonde est cadrée sur la droite de l’écran pendant que le générique occupe la partie gauche. Les couleurs naturelles sont d’une beauté lumineuse, entre le vert de l’herbe et l’eau d’un bleu profond : voir l’affiche. Une scène dans le même lieu mais filmée dans l’autre sens fait l’exact contrepoint de celle-ci, pour clôturer le film sur un temps fort et inattendu.

Sans le moindre effet racoleur, Alain Tanner pointe du doigt toutes les dérives liées aux émissions de téléréalité (le film date de 1996). Il se contente de montrer ses personnages vivre quand d’autres se sentiraient obligés de montrer quelques scènes sur un plateau télé bien dégoulinant de stras. Au lieu de cela, il présente la comédienne qui sera chargée d’approcher Rosemonde, parce qu’elle aura la charge de l’interpréter à l’écran. Celle-ci est en pleine répétition d’une pièce de Molière « Les femmes savantes. » On observe le travail sur le langage et son rythme, un travail autrement plus fort que de faire parler une femme qui a droit à sa vie privée.
Malgré un grain souvent visible sur la pellicule, le film est une vraie réussite, car Tanner met toujours sa caméra et ses moyens techniques au service du film. La bande-son est à cette image, toujours très juste. Un film marquant et intelligent.
Electron
8
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le 16 déc. 2012

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Electron

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