Revenu du purgatoire après plusieurs années de galère, ce bon vieux Matthew McConaughey fait désormais partie de la A-list Hollywoodienne, et aux vues du talent du bonhomme, on peut décemment dire que s'est amplement mérité.
Reste que depuis sa statuette dorée glanée pour sa performance ahurissante dans le superbe Dallas Buyers Club de Jean-Marc Vallée, les choix de carrière du héros de Sahara se sont vite vu discuter par les spectateurs dans les salles obscures; mais surtout par les critiques internationales.


Que ce soit Nos Souvenirs de Gus Van Sant, bousillé par les journalistes au pire endroit possible (le Festival de Cannes), avant de lourdement peiner pour atterrir dans les salles obscures, ou encore Free State of Jones de Gary Ross, gros flop outre-Atlantique; tout laissait penser, avant la vision de ce dernier, que le comédien texan a un poil perdu son mojo.
Monumentale erreur car même si le dernier film du papa d'Hunger Games ressemble de près comme de loin, à un pur produit calibré pour les Oscars (on ne le voit pas y mettre les pieds pour autant), il n'en est pas moins un beau et solide drame historique porté d'une main de maitre par son interprète vedette.


Sous ses atours de biopic scolaire et un brin pédagogique, le film suit l'histoire vraie donc, de Newton " Newt " Knight, un fermier du Mississippi, enrôlé par l'armée des confédérés - sudiste - mais qui va très vite déserté celle-ci après avoir compris que des fermiers comme lui, combattaient au péril de leurs vies et de leurs biens, uniquement pour les riches planteurs esclavagistes.
Lucide mais réfugié dans les marais d'un état faisant méchamment front contre l'abolition de l'esclavage, il prend la tête d'une bande de déserteurs comme lui mais également d'esclaves en fuite, pour chasser les confédérés et ainsi transformer leur comté, celui de Jones, en État libre de Jones.


Tendue, audacieuse à plus d'un niveau, que ce soit dans sa violence barbare, son propos radical (sa position solide sur l'Amérique esclavagiste, étalée sur près d'un siècle) et ses partis-pris audacieux (ses flash-forwards montrant un descendant de Newt combattre l'Amérique ségrégationniste des 50's), sans pour autant tomber dans les clichés faciles (peu importe la couleur de ses protagonistes, la péloche s'attache à croquer des hommes et des femmes qui s'entraident par amour de l'humanité et dans l'espoir d'un avenir meilleur); Free State of Jones incarne un portrait épique et pertinent d'un personnage critiqué de l'histoire US (traître/rebelle pour certains, leader/libérateur altruiste pour d'autres), mais incroyablement fascinant - comme tout figure qui s'insurge et s'émancipe contre un pouvoir dictatorial inhumain.


Dommage alors que cette figure si populaire - dans le bon comme dans le mauvais sens du terme -, soit dépeint tel un messie du pauvre et de manière affreusement manichéenne, tant les écrits à son sujet laisse présager d'une figure plus ambivalente et en demi-teintes que celle montrée dans le métrage (même si son rapport avec sa femme, ridiculeusement romancée, annonce que l'homme n'est pas dénué de tout reproche non plus).
Ainsi, jamais le personnage, férocement moraliste, ne fera le " mauvais choix ", ses mots seront comme des évangiles pour ses camarades d'infortunes, il apprendra à tous comment se battre contre l'ennemi et son physique (cheveux long, barbe foisonnante), le rapprocherait même d'un autre sauveur christique...


Mais, même avec une caractérisation limitée (les gentils sont gentils, les méchants sont... méchants), le film de Gary Ross, qui trouve ici matière à transcender les thèmes qui lui sont chers (comme Pleasantville, et sa prise de position sur la différence et un racisme métaphorique) permet autant à Matthew McConaughey - parfait et impliqué - qu'à un Marhershala Ali incroyablement attachant, véritable révélation du film.
Hagiographie léchée (belle reconstitution) et prenante même si un peu bavarde, longue et contradictoire, moins percutante (et voyeuriste) que 12 Years a Slave ou encore moins bouleversante que Loving, tout en puisant sa force dans une sobriété salvatrice; Free State of Jones pointe douloureusement le doigt sur un mal sociétaire toujours d'actualité - le racisme -, tout en mettant en lumière une petite révolution méconnue dans la grande, via un personnage iconique à souhait.
Pas la grande leçon d'histoire espérée certes, mais une chronique amère et divertissante, qui mérite bien plus que son simple statut de péloche boudée par le public outre-Atlantique.


Jonathan Chevrier


http://fuckingcinephiles.blogspot.fr/2016/09/critique-free-state-of-jones.html

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le 15 sept. 2016

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