De manière bien hasardeuse, j'ai une tendance ces temps-ci à me tourner vers les films historiques et géopolitiques. Sans doute fatigué des super-héros, l'envie me prend de connaître la vie de véritables héros de l'Histoire avec un grand H. Un bon moyen selon moi pour attiser ma curiosité envers des évènements ou personnages historiques dont j'ignorais l'existence. Cette fois-ci je découvre alors Newton Knight dont les récits le décrivant peinent à trouver leurs limites entre mythes et réalités.
Si, tout comme moi, vous avez apprécié ces quelques autres chapitres de l'Histoire que sont Le Majordome (2013) de Lee Daniels, 12 Years a Slave (2013) de Steve McQueen, ou encore Les Figures de l'Ombre (2016) de Theodore Melfi, vous apprécierez sans doute Free State of Jones. Oulalah, je parle de "chapitres de l'Histoire"... Voilà ce qui pourrait hérisser la plume de nombreux Historiens. En fait c'est la question que j'ai commencé à me poser avec ces œuvres dont Free State of Jones ; le cinéma peut-il raconter l'Histoire ?


Eh bien pourquoi pas ? Quelques centaines de milliers d'années en arrière, l'Histoire des ancêtres fut raconté aux travers de l'art pariétal et rupestre, l'ancêtre du cinéma disent-ils. Contrairement à aujourd'hui où il est bon de dire que l'Histoire, la vraie, c'est celle qui est écrite. Qui plus est, peu importe les canaux privilégiés, l'Histoire telle qu'elle est racontée, reste finalement toujours une interprétation basée sur des perceptions. Autrement dit l'Histoire peut être racontée et comprise de mille manières différentes, des versions peuvent-être toutes justes ou toutes fausses. Le cinéma n'est surement pas de fait, le premier condamnable à modifier ou ignorer des passages historiques clés.
Mais voilà qu'après mure réflexion, je me dis également que le cinéma historique détient une autre finalité en soit, celle de créer avant tout une œuvre d'art. L'historien américain Robert Rosenstone* précise d'ailleurs que le cinéma historique ce n'est pas de l'Histoire, ni un complément à celle-ci, le cinéma reste adjacent affirme t-il. Il propose conjointement un terme plutôt sympathique qui est le suivant : l'histoire cinématique !


Et pourtant, mes expériences personnelles me pousseraient à dire que cela serait un superbe complément. Free State of Jones est l’œuvre de plus, qui me fait prendre conscience de l'importance des enjeux géopolitiques et sociales de la Guerre civile américaine. En d'autres termes, j'ai fini ce film assoiffé... Complétement assoiffé de connaissances. Comme si une œuvre cinématographique pourrait être finalement comme une page de couverture, celle qui donne envie de lire l'Histoire. Gary Ross, à la fois réalisateur, scénariste et producteur semble pleinement engagé à respecter la "réalité historique" [et encore faudrait-il définir ce qu'est la réalité historique].



Je crois que c’est important d’être fidèle aux faits. Est-ce que tu
dis la vérité sur ces gens, sur ce conflit, sur les rapports
politiques de l’époque? Il faut répondre oui à ces questions et y
aller encore plus en profondeur. Garry Ross.



Le plus délicat avec Free State of Jones, c'est que l'histoire est grandement controversée ; les intentions du personnage historique font l'objet de débat. En même temps, l'Histoire, celle est avec un grand H l'ait tout autant que celle du film de Garry Ross [avec quelques certitudes par ci, par là, j'en conviens]. La question est donc la suivante : comment gérer cette frontière entre le mythe et la "réalité" ? A mon humble avis, je dirais au réalisateur, tout comme aux autres, faites ce que vous voulez. C'est ce que permet le cinéma, tant que chacune des intentions soit clairement exprimée au spectateur. Nous aussi, nous avons de toute façon notre rôle à jouer, nous regardons l’œuvre et allons nous informer ailleurs.


J'entends dire que le protagoniste Newton Knight interprété par Matthew McConaughey est dans cette œuvre, le grand héros américain Blanc sauveur des pauvres gens Noirs, incapables malgré-eux de se sauver eux-même. J'ai compris clairement de mon côté les intentions du cinéaste à montrer son protagoniste comme un allier plutôt que comme un sauveur, et de nombreuses séquences en témoigne. Si des libertés ont été prises quant aux ambitions du personnage, quelque part je m'en fiche. Ce qui m'importe, c'est le contexte historique, la reconstitution d'un contexte qui tend à atténuer le dangereux amalgame consistant à dire que tous les individus vivant dans les États confédérés ont été des démocrates esclavagistes. Ce qui m'importe, c'est aussi ces paysages ruraux et marécageux, caractéristiques du Mississippi et de la Louisiane, États érigés notamment grâce à l'Esclavage. Ce qui m'importe encore, c'est cette vision cinématique nous faisant découvrir les coulisses de la Guerre de Sécession plutôt que le champ de bataille - cette vision intimiste des conséquences subis par les riverains et les afro-américains. Le tout est exposé sous les regards avertis et désapprobateurs de Matthew McConaughey , qui est à mon sens, un des plus grands acteurs de ma génération. Rien que son personnage, donne l'illusion de traverser le temps. Vous noterez d'ailleurs l'incroyable ressemblance entre l'acteur et la photo d'archive de Newton Knight.


Regardez Free State of Jones ! C'est un bon film. Il a connu un flop injustement selon moi. Et j'encourage ces cinéastes à produire davantage d’œuvres comme celles-ci. Ce n'est pas du grand génie certes, cela dit, il reste bien construit narrativement et parle d'un sujet qui parle à tout le monde : la Liberté !


En tout cas, je continuerai de creuser la question quant à la place de l'Histoire dans le cinéma, ou du moins celle du cinéma dans l'Histoire dans d'autres critiques.
Et vous qu'en pensez-vous ?


*source : R.A.Rosenstone, The historical film as real History

Jordan_Michael
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le 15 févr. 2018

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