Avant dernier film d’Alfred Hitchcock, Frenzy signe le retour du cinéaste dans son pays natal. Succès en salle à l’époque de sa sortie, l’œuvre retranche l’esprit anti-bourgeois d’Hitchcock jusqu’à sa plus extrême expression. Un tueur en série sévit à Londres en étranglant des femmes avec une cravate, jouissant devant leurs yeux convulsés. Film de bout de course, Frenzy laisse entrevoir ce qui reste de l’art d’Hitchcock après que toutes les fioritures aient été soustraites. Conclusion : Hitchcock n’est pas Lang ! Tandis que le cinéaste germanique tendait son œuvre jusqu’à l’épure la plus aboutie (cf. L'Invraisemblable Vérité), le cinéaste britannique embraye chaque film comme un nouveau départ. Ainsi, Frenzy est moins un dernier film que l’embranchement d’une nouvelle période. La photographie, assez laide, froide, d’une teneur plastique frêle, augure les téléfilms européens (type Inspecteur Derrick ou les foireuses adaptation d'Agatha Christie).

Il reste le scénario pour gonfler le film d’un nouvel intérêt. Là, en revanche, Hitchcock trahit une inspiration essoufflée, perdant le succès de ses intrigues retorses pour se contenter d’un brave récit de serial killer. Bien sûr, le cinéaste joue toujours des « points de subjectivation », de ce que sait le spectateur de plus que le personnage et qui produit chez lui l’effet de suspens.

Frenzy se savoure alors comme le prospectus rétrospectif de ce qu’était Hitchcock. Triste constat, plaisant, mais assez rétrograde. D’autant plus rétrograde que l’humour développé dans le film délaisse la finesse buñuelienne qu’il pouvait y avoir dans Le Rideau déchiré pour préférer un humour macabre débridé, comme cette fameuse scène du meurtre dans le bureau où une femme morte par strangulation garde, en gros plan, sa langue entière pendue hors de la bouche. La vision du monde portée par Frenzy, exprimée par l’ordonnancement des personnages et des situations, délaisse paradoxalement un goût de la mise en scène, alors incarné dans les années 50-60 par nul autre mieux qu’Hitchcock.

YasujiroRilke
4
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de Alfred Hithcock

Créée

le 2 nov. 2025

Critique lue 16 fois

Yasujirô Rilke

Écrit par

Critique lue 16 fois

D'autres avis sur Frenzy

Frenzy

Frenzy

le 5 nov. 2019

La cravate qui tue

Pour son avant-dernier film, Alfred Hitchcock revient dans son Angleterre natale après plus de 30 ans (si l'on excepte un bref intermède londonien dans L'Homme qui en savait trop en 1956), et...

Frenzy

Frenzy

le 15 août 2011

If you can't make love, sell it. The respectable kind, of course. The married kind.

Premier film "Rated-R" du maître du suspense, Frenzy est un retour réussi pour un Hitchcock en fin de carrière à ses premières amours, le film noir et à suspense. Délaissant le politique (Le Rideau...

Frenzy

Frenzy

le 11 nov. 2021

Le plus giallesque des hitchcock...

En ce début des années 70 on sent la tonalité et le style des thrillers changer. Et de fait on retrouve dans Frenzy certains éléments qui sont proches de Dario Argento. Nettement plus faibles que...

Du même critique

Les Chatouilles

Les Chatouilles

le 20 nov. 2018

Critique de Les Chatouilles par Yasujirô Rilke

Indispensable pour son sujet et ce qu'il témoigne des violences sexuelles faites aux mineurs. Mais, comme objet de cinéma, hormis les inventions exportées du théâtre, il n'invente rien. Et...

L'Homme fidèle

L'Homme fidèle

le 7 janv. 2019

Critique de L'Homme fidèle par Yasujirô Rilke

De la Nouvelle Vague d'où L.Garrel tire sa filiation, il n'en reste ici que peau de chagrin. Exit la légèreté, le dilettantisme, la gracilité de Truffaut ou Rohmer. Bonjour le sérieux de pape d'un...

Rythmes et botanique (EP)

Rythmes et botanique (EP)

le 25 mai 2017

Critique de Rythmes et botanique (EP) par Yasujirô Rilke

La puissance de cet EP, derrière la modestie de son contenu, tient à la sagace composition de ses beats, entre rap, hip hop et dubstep franc, et à la plume aiguisée et percutante de son auteur,...