Friandise
7.8
Friandise

Court-métrage de Rémy Barbe (2021)

Après le funèbre Et le Diable rit avec moi sorti en 2018, Rémy Barbe revient à la réalisation pour nous narrer une nouvelle déception amoureuse avec Friandise.


Prenant place dans un foyer bourgeois, nous découvrons le quotidien de Léon et Adélaïde. L’auteur alterne instants présents et passés. Nous comprenons ainsi comment ces deux êtres se sont rencontrés. Ils mettent en lumière le gouffre séparant les personnes qu’ils étaient à l’époque face à leur situation actuelle. La mise en parallèle de la première rencontre avec leur quotidien crée une synthèse douce-amère d’une histoire d’Amour.
Au commencement sont l’insouciance et la passion de la rencontre. Le temps passe et érode les premiers émois. Les trajectoires personnelles impactent l’histoire commune jusqu’à briser ses fondements. Au final ne reste que des souvenirs que le temps efface, embelli ou enlaidi. La suite n’est que des tentatives pour renouer avec les prémices de l’histoire.
C’est cette dernière étape sur laquelle se concentre le réalisateur. Chapitré tel un menu gastronomique, le court-métrage joue sur la répétition d’une situation pour mieux accentuer le déclin de la relation.
Nous sommes ainsi rapidement immergés dans cet univers se déroulant principalement dans un salon empli des vestiges de leurs prestiges passés et d’un lit ridiculement kitsch. Un environnement banal pour un couple jadis évoluant dans les hautes sphères sociales.


Outre une mise en scène pertinente ponctuée de fulgurances visuelles, Rémy Barbe fait preuve d’une écriture toute en finesse où les joutes verbales autour de l’alimentation tissent une métaphore sur le mal-être amoureux.
La nourriture est le lien qui les (dés)unit et est au centre de leur préoccupation. D’un côté, Léon tente de retrouver son talent d’antan. Les idées ayant fait sa renommée semblent lointaines. Il peine à apporter du renouveau dans sa cuisine et donc dans son couple. De l’autre côté, Adélaïde porte sur elle un mal-être profond que sa boulimie tente de masquer. Sa perte de goût et d’appétit face à son mari sont le reflet de son désir éteint depuis longtemps.
Le récit est ponctué de quelques monologues imagés captivants dévoilant les frustrations des partenaires. Nous nous retrouvons ainsi le témoin malheureux de leurs échecs tant culinaires que sentimentaux. En cela, nous pouvons nous identifier au commis Marco subissant cette situation et les crises de nerf de son patron. Notre position d’omniscient nous permet évidemment d’avoir un tableau plus complet sur le vécu de nos protagonistes.


Il est intéressant de mettre en parallèle ce nouveau court-métrage au précédent de l’auteur. Les deux abordent des déceptions amoureuses au sein d’un univers très spécifique : le cinéma underground et la gastronomie. Les protagonistes de ces récits se retrouvent dépassés par leur quotidien et tentent de reprendre un semblant de contrôle dans leur vie.
Là où Et le Diable rit avec moi avait une approche sombre et funeste, Friandise offre ici un soupçon de lumière dans sa trajectoire. L’œuvre est une triste poésie emplie de mélancolie où la méchanceté des personnages n'est que l’expression de leur propre blessure.
Cette nouvelle variante sur l’Amour et ses turpitudes permet au réalisateur de poursuivre et développer son identité visuelle et artistique. L'œuvre est ponctuée de séquences imprégnant la rétine tant par leur beauté plastique que par ce qu’elle retranscrit émotionnellement.


En somme, Friandise est un mets riche en saveur tantôt doux, amère ou encore acidulé. Tout comme le ferait un chef cuisinier, Rémy Barbe soigne sa présentation pour allier un fond dense et une forme captivante. Au fil du temps, l’auteur se constitue une filmographie passionnante révélant une magnifique patte artistique. Il nous tarde de découvrir ce que nous réservent ses futurs projets.

tzamety
9
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le 3 janv. 2022

Critique lue 165 fois

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