Critique rédigée en juillet 2018


Je ne vais pas ré-entamer des lignes interminables faisant part de toute l'affection que je porte pour Stanley Kubrick, puisque tout a déjà été dit dans plusieurs de mes précédents écrits, entre autres ; ainsi, puisque même un Dieu a droit à l'erreur, il se peut qu'il soit ici question de l'imperfection de ce film faisant pourtant facilement partie du top 20 de mes films préférés.


Full Metal Jacket se découpe en deux parties bien distinctes, se déroulant en pleine guerre du Vietnam lors de l'implication des Etats-Unis au conflit, à la fin des années 60. La première partie nous projette dans le camp d'entraînement militaire de Paris Island dans lequel un groupe de marine est dirigé par le tyrannique et sadique sergent Hartman (R. Lee Ermey). La seconde partie nous emmène directement au Vietnam, pour retrouver la plupart des personnages principaux de la première partie effectuer leur devoir pour protéger leur patrie. C'est sous les yeux du soldat James Davis, dit Joker (Matthew Modine), narrateur, qu'on observe le travers des événements.


Adapté du roman semi-autobiographique Le Merdier de Gustav Hasford et sorti en 1987, soit sept ans après son dernier chef d'oeuvre, Shining (1980), Full Metal Jacket est un bijou d'écriture et de mise en scène, certainement dû à ses personnages mémorables et à son ambiance jonglant entre le délectable grâce à la solidarité ressentie entre les personnages et les décors extérieurs riches en éléments ne suscitant pas directement la compassion du spectateur, et le maussade principalement dû au personnage du sergent Hartman.
Cru, drôle, provoquant et détestable à la fois, accompagné en VF par la superbe VF de Bernard Fresson, Hartman représente à lui seul ce qui éloigne fatalement l'Homme de la société dans son destin ; chacun d'entre nous avons tous connu un professeur, un patron ou même un collègue nous prenant en grippe et déterminé à vouloir nous détruire mentalement voire psychologiquement. On a tous voulu y changer quelque chose quitte à y laisser sa peau...


...ce qui est parfaitement peint ici: le personnage de Leonard Lawrence est surveillé de très près par Hartman, l'exposant à un dilemme: tuer, ou être tué ; grosso modo, si tu n'allumes pas le feu à temps, c'est toi qui grille. Enchaînant humiliation sur humiliation à cause de son poids et de son manque d'agilité, Gomer Pyle va finalement faire naître en lui le soldat contraire à sa nature véritable.


Beaucoup d'entre nous pouvons alors se reconnaître, le film est donc ouvert à tous.


Le film nous offre un point de vue réaliste de la guerre du Vietnam en désacralisant tout ce qui fait un homme (voir le célèbre slogan figurant sur le casque de Joker présent sur l'affiche: BORN TO KILL, paradoxe avec le but basique du soldat: Tuer pour vivre). De plus, à terme ils ne sont pratiquement plus des hommes, mais des robots, résignés à obéir à leur créateur, les traitant tel un troupeau de bétail destinés au mal, et tous renommés par des surnoms humiliants et leur enlevant toute trace de crédibilité dans la société.
Par ailleurs, toute la scène d'ouverture se déroulant chez un coiffeur montre d'entrée de jeu le début d'une transformation morale de la part des soldats: durant la Seconde Guerre Mondiale, on a parlé de déshumanisation.


Enfin, malgré de très nombreux revisionnages du film, je suis de ceux qui pensent que Kubrick aurait pu faire beaucoup mieux pour la suite du film. En 45 minutes, il m'a présenté le film de guerre le plus convaincant que j'ai vu d'un point de vue psychologique des personnages, chose qui retombe totalement dans la suite: on retrouve avec plaisir Joker et Cowboy dans leur destinée mais celle-ci manque cruellement de quoi offrir d'autres émotions à nous, spectateurs. Les dialogues n'y sont pas aussi "couillus" qu'ils ne l'ont été dans un premier temps, l'avalanche de
personnages secondaires présentés sont oubliables en plus...
En revanche, il faut en extraire la substantifique moelle: on y voit un Joker acteur des faits, tandis que la première partie du film, on le voyait davantage spectateur, car cette suite s'intéresse au devenir du personnage. Et puis, cette scène finale est impressionnante


puisqu'en plus de voir Cowboy, son frère de coeur, se faire tuer sous ses yeux, il sera contraint de choisir entre éliminer un soldat féminin ou lui laisser la vie sauve, un choix moral rejoignant directement la mort d'Hartman et de Leonard à la fin de la première partie.


La bande originale est très plaisante, en particulier la musique d'ouverture: Hello Vietnam, ainsi que les morceaux originaux composés par Abigail Mead (sa seule oeuvre musicale?) et les nombreux chants militaires détournés qui la compose en large partie.


FMJ est donc l'un de mes films de guerre de références, grâce à la diversité des tons, des situations et de la mise en scène, et mettant en avant un portrait réaliste de personnages, à la recherche d'une part cachés d'eux-mêmes. Hélas, l'inégale première moitié de la seconde partie du film me laisse de marbre à chaque visionnage, ce qui m'empêche de lui mettre la note maximale. Pour avoir un point de vue tout aussi réaliste mais plus riche en émotions sur la guerre du Vietnam, on peut lui préférer Platoon d'Oliver Stone (1986), Voyage au bout de l'enfer de Michael Cimino (1978), ou encore Apocalypse Now de Francis Ford Coppola (1972), plus sombre et plus dur, sur fond de rock psychédélique ; et, aussi, pour aller plus loin, voir La Déchirure de Roland Joffé (1987).



Kiss me, goodbye and write me when I'm gone
Goodbye my sweetheart, hello Vietnam


Créée

le 18 déc. 2020

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