Depuis les insolents succès de Nintendo ou de Sony, il n’est plus possible de considérer le jeu vidéo avec indifférence dans ce nouveau siècle. Le cinéma ayant toujours été une source majeure d’inspiration pour de nombreuses créations vidéoludiques, il était normal que celui-ci réclame sa part du gâteau maintenant que le public du jeu vidéo se révèle alors appétissant à conquérir.

La première salve de jeux adaptés dans les années 1990 est assez décevante, avec Super Mario, Double Dragon ou Mortal Kombat. D’autres adaptations suivirent, mais rarement de très bonne qualité. Les studios veulent formater à leur manière des succès qui leur sont étrangers pour qu’ils répondent à leurs critères vaguement qualitatifs. Ce qui ne peut que créer des étincelles.

Rares sont les films à utiliser le jeu vidéo comme cadre d’une histoire originale, mais il y a quelques belles tentatives dont Tron en 1982, Wargames en 1983 ou eXistenZ en 1999. Et cet inconnu Gamebox 1.0 sorti en 2004. Tron est d’ailleurs cité comme référence dans le making-of tandis qu’eXistenZ est même nommé dans le film.

Ces grandes références ont donc été convoqués pour la conception de Gamebox 1.0. Les esprits étant taquins, les bonnes fées ne se sont pas penchées sur le berceau. Mais le film se révèle au moins assez novateur sur un point car il est l’un des premiers films à aborder la création de jeu vidéo, en donnant le premier rôle à un bêta-testeur de jeux vidéo, ceux qui jouent aux jeux avant leur sortie pour dénicher les bugs et les faire remonter pour qu’ils soient corrigés. Dans le visionnaire Tron ou dans l’amusante comédie Grandma’s Boy en 2006, si la création est bien évoquée, c’est par le biais des développeurs de jeux vidéo. Gamebox 1.0 serait donc le premier à parler de cette facette de la production d’un jeu.

Ce sera tout de même le seul mérite qu’il pourrait s’attribuer car le film se révèle tout de même assez fauché et maladroit. On le doit à la société de production Hill & Brand Entertainment qui a profité du boom du marché du DVD dans les années 2000 pour alimenter les rayonnages des supermarchés de vidéofilms. Ce sont généralement de films en films les mêmes réalisateurs, David et Scott Hillenbrand, les mêmes scénaristes et parfois les mêmes acteurs. La société avait repris l’exploitation des films estampillés National Lampoon avec Dorm Daze et sa suite ainsi que Transylmania, qui ne doivent s’apprécier qu’avec un second degré bien solide, et encore.

Gamebox 1.0 est lui très sérieux. Et pas qu’un peu. Il nous présente Charlie, testeur de jeux vidéo, qui a perdu le goût de vivre depuis que sa petite amie a été tuée par un policier véreux. Une mystérieuse console lui est envoyée par courrier, elle se joue uniquement avec un casque sur la tête, tout se passe dans le cerveau du joueur. Amusé puis intrigué, Charlie commence à se perdre dans cette réalité virtuelle qui lui est proposée,où il peut jouer le héros mais aux conséquences tragiques s’il échouait : sa mort.

En tant que joueur depuis trop de décennies, je ne peux qu’être méfiant avec ces menaces de jeu vidéo si addictif que le réel se confond avec la fiction, une vieille rengaine des détracteurs du média. Charlie se laisse aller, il passe ses journées à jouer, ses nuits aussi. Quelques scènes font tiquer, un gamer ne laisserait pas sa console tourner toute la journée (voyons!), tandis que la représentation d’une partie multijoueurs d’Halo est accélérée pour en souligner une frénésie inutile. Mais Charlie est aussi présenté comme quelqu’un qui a été sociable, avec des amis qui jouent aussi mais qui s’inquiètent pour lui et bien sûr sa petite copine disparue, dont il n’arrive pas à faire le deuil.

Sans que cela ne soit d’une grande finesse, bien au contraire, se retrouver dans un tel jeu est un défi pour lui, non seulement parce qu’il doit en survivre, mais parce que des représentations de son entourage sont intégrés au jeu, dont une jolie femme qui a les traits de sa copine décédée. Il a cette tentation de se sauver mais aussi de la sauver, les deux étant poursuivis par un affreux bonhomme aux traits du policier ripou afin de prendre une revanche sur une réalité mortifère. Dès lors, cette incursion vidéoludique est pour lui comme une nouvelle quête initiatique.

Les deux personnages vont devoir parcourir trois environnements différents. Le premier est une référence évidente aux jeux en monde-ouvert tels que GTA III, les deux autres sont des représentations plus génériques, vaguement inspirées par les jeux d’horreur et ceux de tir science-fictionnesque. Mais la crédibilité des scènes est toujours à la limite du supportable. Tout se fait devant des fonds verts, les acteurs sont ensuite intégrés dans des décors de jeux vidéo mais sans les moyens nécessaires. C’est très fauché et très vilain. C’est même très kitsch, ce qui pourra faire sourire. La liste est longue des incongruités proposées comme ces zombies qui renouvellent complètement leur image de marque, c’est sûr, puisque ce sont ici des ombres qui courent et s’agitent comme des singes. Il n’était probablement pas question de faire référence à nos cousins simiesques, c’est pourtant le résultat final. Le film a aussi la main lourde sur les filtres apposés, à l’image de celui pour le monde de science-fiction d’un jaune très prononcé, de même que pour le flou peu subtil pour dissimuler les ratés du décor.

Pour autant, Gamebox 1.0 ne fait jamais oublier que tout se passe dans un jeu vidéo, en en reprenant les codes. Il réutilise même certains angles de vue typiques du genre, comme la première personne avec l’arme au centre pour certaines fusillades (et ce juste avant le clin d’oeil identique dans l’adaptation de Doom de 2005). Il utilise même le système de points de vie, d’inventaire ou de vies parfaitement intégré dans son histoire, bien avant le Jumanji de 2017 et de sa suite. Il essaie même de donner un look jeu vidéo à ses personnages, avec un maquillage spécifique pour ses acteurs principaux et un masque transparent pour les secondaires afin d’évoquer leur niveau de détails moindre, l’un et l’autre ne sont pas les meilleures idées possibles, le premier est trop discret, l’autre trop voyant, mais cela témoigne d’une volonté de rappeler que Charlie se trouve dans un jeu vidéo, pas dans une réalité trop proche du réel.

Il ne faudrait tout de même pas se leurrer. L’ensemble est tout de même concon par moments, à l’image de la bavure policière dont il est impossible de croire que son auteur n’ait pas été puni (et en plus la victime était blanche). Mais entre quelques faiblesses grossières ou scènes trop ambitieuses pour le budget ridicules, il possède quelques bonnes surprises, à l’image de son dénouement. Le film reste tout de même filmé de façon assez maladroite, la bande-son est affreusement générique. Et quitte à revoir des comédiens égarés dans la spirale du direct-to-DVD j’aurais préféré en revoir d’autres plus talentueux, même si Nate Richert dans le rôle principal reste acceptable.

Gamebox 1.0 se révèle donc avant tout médiocre, un peu dépassé par ce qu’il voulait proposer. Mais c’est cette générosité mal placée qui fait parfois les plaisirs coupables, et il est possible que ce film en soit un pour moi. Son intégration du monde du jeu vidéo au cinéma est bugguée, mais propose des pistes et des idées assez intéressantes.

SimplySmackkk
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le 14 déc. 2023

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