Gangsters
5.7
Gangsters

Film de Olivier Marchal (2002)

Gangsters porte dans un huis clos très serré tout l’univers d’Olivier Marchal. Flics et gangsters partagent ainsi les mêmes décors et les mêmes méthodes dans un premier long-métrage sombre et classieux. A l’occasion de la sortie de Bronx sur Netflix, retour sur la filmographie d’Olivier Marchal.


Gangsters le clame du haut de son affiche : “J’ai filmé ce que j’ai vécu”, tel est le postulat de ce premier long-métrage d’Olivier Marchal qui pose ici ce qui sera l’essence de son cinéma dans un huis clos tendu et classieux. Porté par un casting impeccable de gueules de cinéma qui contribueront à la patte reconnaissable entre mille du réalisateur, ses protagonistes déclament avec conviction un langage propre à ce dernier, constituant ainsi un univers à part entière, emprunté aux grands polars des années 70 tout en traçant un sillon bien à lui. Parce Gangsters est un film aussi sincère qu’un uppercut. Pris sur le vif de la vie d’un policier qui s’en est allé d’un métier qui a rongé une bonne partie de sa vie, Olivier Marchal dépeint avec torpeur un univers froid et sordide, d’un quotidien trouble où flics et gangsters cohabitent dangereusement dans les mêmes décors.


Prison intérieure


Gangsters se pose ainsi dans des lieux déshumanisés, où des personnages dépassés errent comme des âmes en peine à la quête d’un ailleurs. Des clubs où se trémoussent des femmes dénudées, des virées la nuit en solitaire à la cellule crade, tous ces décors servent ici de tentative de fuite désespérée et illusoire loin d’un monde pourri rongé par le vice et les fusillades. L’on y suivra alors l’interrogatoire musclé du truand Franck Chaïevski et d’une prostituée au sujet d’une fusillade d’où s’est évaporée une mallette de diamants. Cette dernière sera ainsi le révélateur de flics au bout du rouleau, rêvant tour à tour d’une promotion où d’une évasion, maigre lueur d’espoir d’un quotidien morne.


Si Gangsters jette ainsi le trouble entre flics et gangsters, c’est parce que ces derniers usent ici des mêmes méthodes pour parvenir à leurs fins. Fréquentant les mêmes décors, usant du même langage, ces deux rives pourtant inversées se regardent à armes égales d’une quête commune de fuite en avant et de rêves d’une vie meilleure. Olivier Marchal insuffle cependant à son polar sa patte classieuse, capturant avec soin le regard de ces hommes broyés, en prise avec un métier qui les dépasse. Habitué des décors et de l’univers qu’il se plaît à mettre en scène, l’on sent ainsi le cinéma transpirer de chaque pore de la pellicule de Gangsters. Pétri d’amour pour ses héros les plus misérables et de leur quête désenchantée, Olivier Marchal en tire ainsi des allures véritablement classieuses d’un cinéma à l’ancienne ici remis au goût du jour car plongé dans une atmosphère crue qui prend véritablement aux tripes.


Gangsters se trouve doté d’un récit véritablement maîtrisé qui sait quand appuyer sur la détente pour garder sa torpeur intacte. Ainsi, même si le film étire malheureusement sa fin, Olivier Marchal prouve en plus de sa sincérité et de sa maîtrise d’une véritable ambiance qui doit autant à la musique de ses dialogues, empruntés à ses maîtres Michel Audiard et Jean-Pierre Melville, qu’à l’investissement total de ses acteurs, qui deviendront pour nombre d’entre eux des habitués de la filmographie du réalisateur et de sa partition si particulière.


Gangsters pose ainsi modestement et efficacement dans un petit huis-clos toutes les obsessions d’Olivier Marchal dans un polar fort qui transporte de par son univers déjà si brillamment codifié vers les cellules sombres et crades où cohabitent dangereusement flics et voyous. Rêvant tous deux d’une évasion vers des lendemains plus radieux, Olivier Marchal sait ainsi brillamment filmer leur quête d’envol désespérée, menottée aux barreaux d’une prison intérieure.


Critique à retrouver (avec bien d'autres) sur cinefocus.fr
Notre Focus consacré à la filmographie d'Olivier Marchal est disponible
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QuentinBombarde
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le 16 nov. 2020

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