"Gatsby" correspond parfaitement à ce que j'en attendais. Sans avoir lu le présumé chef d’œuvre de F.S. Fitzgerald, j'ai eu sous les yeux tout ce que j'imaginais et craignais. Une démesure du vide, la vanité sans l'orgueil, la oudre aux yeux sans le magicien. Le propos n'existe pas, tout n'est que prétexte à l'excentricité pompeuse et sans âme du visuel qui ne réussit même pas à proposer une certaine esthétique de cette démesure. Oh, bien sûr, Luhrmann veut montrer qu'il sait utiliser une caméra et faire des plans qui se veulent oniriques, composés, il s'amuse avec plein de mouvements et une technique variée. Mais pour rien, il n'arrive ni à proposer une forme audacieuse, mais surtout il n'a aucune idée forte. La seule idée qui semble se dégager est celle de cette démesure, de cette visée d'une certaine grandiloquence, quitte à tout lui sacrifier. Mais encore une fois, même ainsi, l'objectif n'est pas atteint.

Dans "Moulin Rouge", dont je garde un bon (mais lointain, ce qui peut être corrélé) souvenir, il y avait déjà ce sentiment de malaise, d'une grosse production qui n'aboutit qu'à du vide, il y avait les prémices de cette vanité. Mais il y avait cette articulation chorale autour du couple formé par Kidman et McGregor, qui cristallisait l'attention sans que l'un prenne le pas sur l'autre. Le choix de la comédie musicale justifiait peut-être aussi cette forme qui souhaite en mettre plein les yeux, très chorégraphiée.

Là, on semble voir un essai de renouveler ce couple central par la romance entre Gatsby et Daisy, qui permet sans doute à la seconde moitié du film d'être moins catastrophique que la première. Mais le choix de Leonardo Di Caprio comme Gatsby le place au centre du système. Il reprend les tics des personnages qu'il a déjà interprété ("Aviator" notamment), l'idée de "rise and fall", de créateur d'une carapace pour cacher son manque de confiance en soi (plus que palpable quand il retrouve Daisy). Gatsby, comme Luhrmann, tente de cacher la vacuité de son être (de son film) par de la poudre aux yeux, des paillettes, qui retombent très vite et laissent voir à nu le vide réel du film. Di Caprio, excellant dans ces rôles qu'il connaît, mais qui tend peut-être un peu à se parodier, dévore le reste du casting, écrase le couple potentiel et sa partenaire (la scène où il l'embrasse est révélatrice, il agit, elle subit). Avec pour conséquence de faire tourner l'ensemble du film autour de lui et non autour de lui ET de Daisy, à la manière de "Moulin Rouge". Ajoutez à cela le parasite Nick incarné par un Maguire transparent, et le système s'effondre. L'audace n'existe pas plus que le propos, ce qui explique sans doute mon absence de surprise face aux longues heures que dure le film.

Cinéma de la démesure donc, qui confond esthétique et paraître, grandeur et grandiloquence. Luhrmann, dans cette optique, ne parvient nullement à représenter ou transposer de manière contemporaine (mauvais usage des musiques, pourtant efficaces dans "Moulin Rouge") la démesure et l'ambition de son sujet. Il en ressort même une forme de vulgarité toute autre que celle qu'on a pu reprocher au pourtant poétique "Spring Breakers".
Flavien M

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