Avec Gone Girl, David Fincher semble s'être entouré de bien nombreux fans. C'est une bonne chose, j'aime beaucoup ce cinéaste. Que ce soit avec ce film me semble en revanche assez dommage. Il est par exemple premier du top Fincher d'après les membres du site. Vraiment ? Gone Girl est pourtant l'un de ses films les plus aboutis, les plus costauds. C'est autre chose qu'Alien 3 ou Panic Room, on est d'accord. Mais de là à dire qu'il "dit" vraiment grand chose en comparaison de The Social Network, ou même Fight Club, j'ai quelques doutes.

Evidemment, le film bénéficie d'une mise en scène de grande classe. Le film n'est clairement jamais tape-à-l'oeil, contrairement à ce qu'on pouvait reprocher aux premiers film du monsieur. Malheureusement, c'est aussi sa limite: je trouve la mise en scène peu inspirée au final. Alors oui, elle sert avant tout à s'effacer derrière le fond du film vous me direz, et ce n'est pas faux, mais pour moi c'est pour une autre raison: on est pas loin du scénario filmé. Et vu le talent du bonhomme (il compose toujours bien ses plans, le montage toujours aussi maitrisé etc..), c'est quand même dommage. Vous savez certains vieux films, qui se limitaient à filmer des dialogues en champs/contre-champs interminables ? Et bien c'est un peu la même chose là. Pour cette raison, ne vous attendez surtout pas à de long plans-séquences, car toutes les scènes ne sont pas là pour durer, toucher, seulement pour faire avancer l'histoire, pour qu'on puisse vite passer à la suite.. Le film est donc assez froid et désincarné, les personnages peinent à exister.

Après donc, abordons le fond. On parle souvent d'une grande satire des médias, du couple, de la justice, de la "foule" de manière générale. Bref, comme ce fut annoncé: les apparences sont souvent trompeuses, l'idée du masque social aura donc son importance. Tout l'aspect satirique est renforcé par la verve comique du film, pas loin d'être l'un des plus drôles de son auteur. Malheureusement, là aussi, toute les critiques que fait le film sont très convenues.. ça ne va pas si loin que ça ! En résumé, tout est esquissé, mais de là à dire que c'est ensuite creuser, j'en doute.

Il y a ensuite cette idée de dominant-dominé qui pourrait faire penser au Limier de Mankiewicz, ou même à certains films de Paul Thomas Anderson, qui me semble bien plus intéressante. Ainsi, dans la fin de la seconde partie, lorsque le personnage de Nick participe à une interview qui l'aide à redresser sa popularité auprès du public (car c'est la seule chose qui compte, l'enquête est inutile), Amy se sent vaciller. Ainsi, si elle retourne au bras de son beau Nick par la suite, ce n'est de toute évidence par parce qu'elle l'aime à nouveau, et qu'elle a été séduite ou impressionnée par sa prestation télévisuelle, non, c'est tout simplement parce qu'elle est dans la merde la plus totale. Bah oui, Nick redevient crédible, l'enquête va donc chercher un nouveau coupable, et Nick va forcément chercher à la retrouver: elle n'est donc plus en sécurité, et doit protéger ses arrières, car si la vérité venait à être découverte, elle serait victime d'une haine généralisée insupportable. Donc elle revient à la maison, et la satire prend encore plus d'ampleur. Bon après, on en revient à la critique conjugale assez limitée, et aux jeux des apparences envers les médias, c'est un peu redondant.

Ensuite, le twist qui ouvre la seconde partie, n'en est pas réellement un c'est bien vrai, mais toutes les révélations d'Amy me semblent ridicules. Sérieusement, il faut y croire ? Et puis même, pourquoi aller jusqu'à envisager le suicide pour le simple prétexter que l'image qu'elle tente de transmettre à tout le monde - son mari, sa famille, ses voisins etc - est bien trop lourde pour ses simples épaules ? Je veux dire, évidemment que beaucoup se suicident pour ce genre de raisons, mais réellement, je ne trouve pas que ce soit un personnage à plaindre. Elle a la vie belle, malgré tout.

Après oui, du côté thématique, on rejoint d'autres films du cinéaste (quasiment tous en fait) dans le fait d'aborder une société qui étouffe ses individus derrière les conventions sociales. Et qu'Est-ce qu'on fait pour y échapper quand on est chez Fincher ? Et bien en général on se crée un monde alternatif, qui nous rapproche de certaines personnes partageant la même idéologie, tout en se coupant encore davantage du reste. Ainsi, dans The Game, on organise un cadeau d'anniversaire qui nous fait vivre pendant une certaine durée dans une réalité fictive, puis on revient à la réalité. Dans Fight Club, on crée des clubs de combats clandestins, on effectue des actions terroristes etc, puis on revient à la case départ. Dans Zodiac, on se fascine pendant plusieurs décennie à enquêter sur un mystérieux tueur que l'on ne retrouvera jamais, on s'isole du reste du monde - sa femme, ses enfants, ses collègues - et lorsqu'on se réveille, on est seul. Dans The Social Network, on décide de créer Facebook parce qu'on ne supporte pas une simple rupture, et qu'on souhaite profiter du site pour rapprocher les gens, mais final, on finit plus seul que jamais, encore une fois. Dans Millenium, la marginale du film est son personnage supposé secondaire: Lisbeth. En se socialisant - en aidant l'enquête - elle pense trouver l'amour, mais une fois celle-ci achevée, elle se retrouve à nouveau seule. On peut imaginer qu'elle cherchera donc à s'en éloigner une fois de plus. Là c'est encore pire, puisque dans les deux cas, Lisbeth ne semble pas trouver sa place dans le monde. Etc. En gros, si on fuit la société, si on se marginalise, on finit par s'isoler, car il ne fait jamais bon d'être tout simplement différent. La société est donc un cadeau empoisonné: on ne peut y échapper car on en a besoin, on n'arrive à rien sans contact social, mais en même temps, puisqu'elle nous permet d'être "heureux" (les guillemets sont importants), elle nous oblige à être un autre. Nous ne sommes donc jamais libres. La société est un monde pourri dans tous les cas. Dans Seven, un serial-killer tentera d'en supprimer quelques déchets, mais il en deviendra un lui même par son action, et devra donc se supprimer. C'est un peu l'embryon de Tyler Durden, si vous voulez mon avis. Dans Gone Girl, on va donc encore plus loin, puisqu'Amy ira jusqu'à se faire passer pour morte, afin d'échapper aux "autres". Mais comme à chaque fois chez Fincher, elle sera obligée de revenir à la surface, et recommencera la vie qu'elle voulait fuir au début du film. Bref, c'est toujours très pessimiste, si ce n'est dans Fight Club, où l'histoire d'amour laisse entrevoir un futur un poil plus optimiste, ce qui n'est clairement pas le cas dans son dernier opus.
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le 10 nov. 2014

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