David Fincher continue de creuser un ambitieux cinéma de la névrose en se réinventant, en prenant de nouveaux chemins, mais en impressionnant à chaque fois. Gone Girl s’éloigne des univers sombres, glauques et anxiogènes des Seven, Panic Room, Zodiac ou autre Millenium, (si l’on exclue la parenthèse romantico-fantastique Benjamin Button et l’épatante redéfinition du biopic entreprise avec Social Network), tout en en conservant les fondements. Il plante un décor de banlieue américaine lumineusement mortifère où l’on assiste à la déliquescence d’un couple modèle. Ce n’est pas la dernière des apparences qui va tomber.
Fincher nous ballade dans un film gigogne, au genre indéfinissable, à la fois intrigant, haletant, flippant et ludique, où les changements de points de vue sont autant de renversements narratifs inattendus. Gone Girl prend tellement de directions différentes que c’est un petit miracle qu’il conserve sa cohérence de bout en bout. La virtuosité du réalisateur, son incroyable maitrise formelle et son sens du tempo donne du relief et du poids aux faux semblants qui jalonnent un scénario intelligent, parfois vicieux, astucieux, dense et déroutant.
Ça aurait pu être grotesque, c’est fascinant. Parce qu’au-delà du thriller, il dissèque en creux les frustrations du mâle américain inquiet que l’on puisse questionner sa virilité, il trouble l’image de la femme idéale en nous trimballant dans un labyrinthe narratif abyssal. Et couvre d’un voile crasseux la vie un peu trop parfaite de Nick et Amy. Le réalisateur en profite également pour fustiger le cynisme et la légèreté des médias dont la recherche permanente du sensationnalisme ne s’encombre jamais trop de la vérité et du sort de personnes qu’ils mettent en une.
La richesse et la profusion de Gone Girl sont impeccablement contrôlées par la caméra de Fincher, sa mise en scène d’une précision folle n’est jamais ostentatoire, la musique entêtante de Trent Reznor et le jeu tout en subtilité de Ben Affleck et de la formidable Rosamund Pike en sont la parfaite illustration.
Gone Girl ne sera donc pas le film qui ternira l’inégalable filmographie du réalisateur qui ne souffre d’aucun raté et compte certaines des œuvres les plus importantes du cinéma populaire américain contemporain.
Son dernier film ne fait que confirmer qu’il est incontestablement le faiseur le plus constant et le plus brillant d’Hollywood. Rien de moins.
Thibault_du_Verne
8

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Créée

le 20 nov. 2014

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