Avec ses 0% d'opinions favorables sur Rotten Tomatoes, le film de Kevin Connolly est devenu un sérieux prétendant au pire film de l'année 2018 selon la critique américaine. Même s'il est encore trop tôt pour se prononcer sur ce point, force est de constater que "Gotti" n'est juste qu'un mauvais film sur la mafia new-yorkaise de plus, passant à côté de l'aura de la figure d'un dernier grand parrain local d'une certaine époque qui a tant fait fantasmer les cinéastes.


Ceux qui suivaient la série "Entourage" où Kevin Connolly interprétait "E", le meilleur ami d'une star de cinéma, se souviennent forcément de "Medellin", œuvre fictive caricaturant les films sur les narco-trafiquants comme Pablo Escobar. Eh bien, "Gotti" semble être son équivalent sur les films de mafieux mais dans notre réalité ! En fait, on ne comprend pas vraiment comment le jeune réalisateur/acteur a pu pondre un truc pareil alors qu'il vient justement d'une série qui en dénonçait toutes les facilités et s'en amusait, un peu comme s'il avait regurgité tout ce que son inconscient avait accumulé lors de ses multiples visionnages des grands films du genre pour en faire une soupe de tout ce qui vient à la tête de notre imaginaire collectif lorsqu'on évoque un long-métrage sur la mafia.


Même si l'on sait que le film est plus ou moins tiré de la vie de John Gotti (car inspiré du livre de son fils), rien n'y fait, "Gotti" patauge d'un bout à l'autre dans un marécage de clichés mafieux : l'ascension meurtrière dans le milieu, les trahisons, les têtes burinées, le code d'honneur entre frères d'armes, le respect du peuple, la défiance vis-à-vis du gouvernement, les passages en prison, la famille à préserver,... Tout est là, Kevin Connolly n'oublie rien et installe ça dans une chronologie complètement chaotique où l'ultime confrontation entre Gotti et son fils devient le fil rouge de séquences sur la vie tumultueuse du parrain qui ont un mal fou à trouver une réelle logique pour s'enchaîner (surtout dans la première partie). Dans ces moments de vie laissant le sentiment d'être captés de manière parfois très aléatoire jusqu'à nous perdre dans la multitude de personnages qu'ils mettent en scène, on assiste à pas mal de bizarreries de montage avec certaines scènes s'éternisant dans le vide pendant que d'autres séquences-clés sont présentées dans la précipitation (mention spéciale à la mort d'un des fils de Gotti : une scène pour nous montrer à quel point il tient à lui et bim, le petit décède dans la suivante). "Gotti" part sans cesse dans tous les sens pour, au final, ne pas raconter grand chose sinon cette éternelle glorification tendancieuse, superficielle et sans nuance d'une figure mafieuse qui, ici et il est vrai, a acquis une grande sympathie populaire que le film met en exergue mais en oubliant totalement d'aborder toutes les combines et trafics sur lesquelles elle repose (le jeu d'échec meurtrier avec ses pairs paraît être ainsi son seul crime). Quant à la relation père-fils qui se voudrait être la thématique centrale, elle est tellement rendue anecdotique par le jeu catastrophique de Spencer Lofranco dans le rôle de John Gotti Jr qu'on en vient à s'en désintéresser assez vite au milieu du reste.


On pourrait d'ailleurs résumer "Gotti" à cette dernière rencontre au coeur du film : d'un côté, un John Travolta imposant, maquillé à la perfection pour souligner son vieillissement et apportant tout son passif dans ce genre de rôle pour incarner la stature de Gotti (il est la meilleure chose du film sans trop se forcer), de l'autre, son fils incarné par un acteur au charisme de topinambour, à qui on a juste mis une paire de lunettes et coupé les cheveux différemment pour créer un semblant de maturité. On peut y déceler là le symbole d'un face-à-face entre l'admiration à la fois naïve, sincère et tellement commune de Connolly pour les grands films de mafieux et ce qu'ils étaient vraiment : uniques, inimitables et mémorables.


"Écoutez-moi, écoutez moi-bien ! Vous ne reverrez jamais un gars comme moi, même si vous vivez pendant cinq mille ans !" nous dira John Gotti face à la caméra. Pas sûr que ce soit ce film qui nous donne envie de le croire...

RedArrow
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le 24 juin 2018

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RedArrow

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