Le premier long métrage de Rebecca Zlotowski se situait quelque part entre Maurice Pialat et les premiers films de Kathryn Bigelow (Loveless, Near Dark et leur obsession érotique pour les motards et les blousons en cuir). Cette fois on est plus entre Jacques Audiard (pour le mélange de réalisme cru et d'onirisme, pour l'importance - trop grande ? - apportée au scénario, pour les effets de styles types ralenti et envolées lyriques) et, toujours, Kathryn Bigelow. Mais, cette fois, la Bigelow qui semble avoir inspiré Zlotowski est celle des films d'hommes, virils, hawksiens, celle de Démineurs et, surtout, de K19. Un film où des soldats se sacrifiaient pour réparer une fuite dans la chambre de refroidissement du réacteur atomique d'un sous marin. Des héros de guerre que Bigelow filmait comme des prolos au travail.
Le film est très fort quand il reprend cette ligne là, quand Rebecca Zlotowski filme la centrale nucléaire comme un décor de SF (on est loin du naturalisme pépère du cinéma français) d'où émane constamment une tension, une claustrophobie et une peur de la contamination dues à un mal d'autant plus effrayant qu'il est invisible, incolore et inodore, qu'il flotte dans l'air, comme l'explique Olivier Gourmet (génial, comme d'hab.) en début de film. Un lieu où donc, la solidarité, l'entraide, le courage et l'obsession du travail bien fait sont essentiels, comme dans le film de Bigelow.
Mais Grand Central est malheureusement moins fort dans son versant plus réaliste, quand il s'attarde sur son scénario un peu trop convenu (l'histoire d'amour entre Karole / Léa Seydoux et Gary / Tahar Rahim, très bien tous les deux) et son symbolisme : la "dose" que Gary doit apprendre à affronter se confond avec sa passion pour Karole. Passion amoureuse = Radiations atomiques. Belle idée, qui promettait une forte montée de sève. Pourtant, le film manque assez cruellement de fièvre et de passion. Sauf lors de la première scène, géniale, où Karole semble surgir dans le plan comme une apparition, pour expliquer à Gary, à sa manière, quels sont les symptômes d'une trop grande exposition aux radiations.
Mais Rebecca Zlotowski oublie un peu trop ce qui, me semble-t'il, fait l'originalité et la force de son film, c'est à dire la description de son environnement (la centrale nucléaire et les hommes qui y travaillent), et les meilleures scènes du film, qui se déroulent dans la centrale, sont finalement bien trop courtes, de sorte que la réalisatrice peine à aller jusqu'au bout de son parti pris, c'est à dire filmer ses prolos au travail comme des héros de guerre.
MacGuffin
7
Écrit par

Créée

le 31 août 2013

Critique lue 345 fois

1 j'aime

MacGuffin

Écrit par

Critique lue 345 fois

1

D'autres avis sur Grand Central

Grand Central
Rawi
6

Critique de Grand Central par Rawi

Je m'attendais à voir un grand film mais j'ai juste vu un bon film très bien interprété. Déjà, on me promet une grande et belle histoire d'amour, je ne vois qu'une histoire de cul. Le moment le...

Par

le 29 sept. 2013

30 j'aime

Grand Central
pilyen
3

Grand navet

J'ai vu le chef d'oeuvre de la semaine selon les critiques. Hé bien, ils se sont trompés, c'est un navet et un beau ! Cette fois-ci, ils ont poussé le bouchon tellement loin qu'ils risquent d'être...

le 28 août 2013

25 j'aime

18

Grand Central
Sergent_Pepper
5

Over-dose

L’idée est plutôt habile, la mise en scène maitrisée et les acteurs sont à la hauteur. Rahim, surtout, qui parvient à irradier une certaine candeur, notamment dans toute la phase initiatique du...

le 15 sept. 2013

15 j'aime

2

Du même critique

Groom Service
MacGuffin
5

C'est qui le patron ?!

Ce qu'il y a de bien avec les films à sketches, c'est qu'on peut faire des jeux. Les cinéastes mettent en place des règles pour le film (ici : chacun réalise un segment de 20-25 minutes, enfermé dans...

le 4 mai 2013

30 j'aime

La Grande Aventure LEGO
MacGuffin
3

"One hell of a commercial"

À l'heure où d'aucuns conspuent Hollywood pour son manque d'originalité et son mercantilisme (remakes à foison, adaptations de romans pour ados, interminables sagas de super héros), je suis surpris...

le 9 juil. 2014

29 j'aime

10

Bron
MacGuffin
5

Vivement le remake ?

Bron a été propulsée néo-meilleure série du monde (ou presque) en 2012. Et déjà un remake américain est prévu. Alors on pourrait se dire, hypothèse a), que l'âge d'or de la télé américaine est bel...

le 19 mai 2013

14 j'aime

3