Trois mots, une vie brisée, un combat historique

J’attendais Haq depuis longtemps. Je suis un grand amateur de cinéma indien et j’avais découvert Yami Gautam dans ARTICLE 370 où elle m’avait impressionné. Donc forcément, quand j’ai appris qu’elle portait un film inspiré de l’affaire Shah Bano, j’étais curieux. Pour ceux qui ne connaissent pas, l’affaire Shah Bano est ce grand procès des années 80 où une femme musulmane répudiée a dû aller jusqu’à la Cour suprême pour obtenir une simple pension. Ça avait déclenché un immense débat en Inde sur les droits des femmes et sur la place de l’interprétation religieuse dans la justice.

Le film m’a frappé par sa sincérité. Yami Gautam est tout simplement exceptionnelle. Elle donne une force énorme à son personnage, une femme qui connaît sa religion, qui connaît ses droits, et qui refuse d’être piégée par des hommes qui utilisent les textes pour justifier leurs propres abus. Le film montre très bien les jeux de pouvoir dans la communauté, les manipulations, les discours culpabilisants, et la façon dont certains responsables religieux essaient de faire pression sur l’État pour qu’il ferme les yeux.

Ce qui m’a marqué, c’est que Haq n’est jamais islamophobe. Il ne s’en prend pas à une religion, il s’en prend à l’injustice. C’est juste l’histoire d’une femme indienne qui refuse de se laisser écraser, malgré les obstacles, malgré l’institution, malgré les apparences et les faux semblants.

Dans le film, le point de rupture, c’est le triple talaq. Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est une ancienne pratique dans certaines communautés musulmanes où un homme pouvait répudier sa femme simplement en prononçant “talaq” trois fois. Trois mots, et tout s’effondrait du jour au lendemain, sans juge, sans discussion. Ça a été interdit dans de nombreux pays musulmans et finalement aboli en Inde en 2019, parce que c’était une source d’abus énorme. Le film montre très bien ce caractère brutal et humiliant.

Et l’histoire de Shazia est vraiment dure. Son mari disparaît pendant des mois, revient marié en douce, invente des excuses absurdes, la manipule psychologiquement, puis lui balance un triple talaq pour s’en débarrasser tout en refusant de payer la pension de ses enfants. Elle tente d’obtenir justice, mais le tribunal civil ne veut pas intervenir car “ça relève du religieux”. Le tribunal religieux, lui, refuse même de l’écouter. Et malgré tout, elle continue jusqu’à la Cour suprême où elle finit par gagner. J’étais furieux devant l’injustice, dégoûté par la lâcheté du mari et par le silence complice qui l’entoure, mais aussi admiratif de la manière dont elle refuse de céder.

La seule chose qui ne m’a pas marqué, ce sont les musiques, assez oubliables. Pour le reste, Haq est un film puissant, nécessaire et profondément humain. Il parle de droits, de foi, de manipulation, de dignité, et du courage qu’il faut pour tenir face à un système qui veut vous faire taire.

Je recommande Haq à tout le monde. Que ce soit pour comprendre ce que vivent de nombreuses femmes, pour saisir l’importance de l’affaire Shah Bano, ou simplement pour voir une actrice en pleine maîtrise de son art.