Le genre Vigilante c’est le dernier bastion du film de droite, on le sait tous.

T’auras beau dire ce que tu veux, scander au plaisir coupable ou régressif, si tu kiffes quand un gars [se] fait justice tout seul comme un grand et éclate de la racaille dépeinte avec suffisamment d’universalité pour te rappeler tes mauvaises expériences, c’est que tu aimes les films de droite pour leur approche décomplexée et déculpabilisante vis à vis de leur sujet.

Et si en plus ce gars est un vieux tout pas content, et que tu aimes d’autant plus, c’est qu’un réac sommeille en toi.

Mais entre Hobo et Bad Ass il y a tout de même un monde, celui de la gravité du traitement. Peu importe si le propos est débile sous son manteau dramatique, il semble qu’il existe encore en ce monde des cinéastes convaincus que la manière excuse le geste. Hors ce sont les intentions qui comptent.

Sous la couche auteurisante, malgré la solidité du jeu de Caine et des attraits sur lesquels je reviendrai, il n’en reste pas moins que le propos est aussi minimaliste qu’indigent, puisque plus qu’à l’accoutumée dans ce genre cinématographique il n’existe pas plus d’explications que de solutions au drame qui se joue, juste de vaines justifications aussi peu crédibles que discutables.

Après c’est une question de point de vue et de philosophie, mais malgré le côté exutoire du vigilante qui explique un certain attrait de ma part —au même titre que les films de vengeance, presque consanguins— je reste quasi systématiquement en fin de visionnage aussi perplexe qu’un canard enchainé ( ! ).

Heureusement, Harry Brown sort du lot pour ses qualités formelles plutôt inédites dans sa catégorie.

Barber boucle son premier film très proprement : de bons cadrages, de bonnes compositions, et une peinture de la banlieue londonienne aliénante et anxiogène ; un sentiment de désolation et de solitude froide en ressort, étayée par une photographie soignée. Le rythme est très bien géré et ne se voit jamais plombé par les dialogues, choses qui relève du miracle quand on sait quelles atrocités peuvent sortir de la bouche de personnages que le genre se fait un malin plaisir à rendre caricaturaux.

Quelques scènes sortent également du lot. Je parlais de caricatures, j’ai d’ailleurs failli juger à tort l’une des meilleures scènes du film ; celle dans laquelle Harry vient acheter son arme. Berger réussi quelque chose d’assez subtil en transfigurant un personnage de dealer camé tout d’abord donné à percevoir de façon tout à fait classique —pour ne pas dire cliché— en une sorte d’entité presque diabolique aux traits humains semblant fondre sous l’effet de la perversion. J’attire vraiment votre attention sur cette scène dont l’efficacité se dessine de façon insidieuse, sinueuse, au travers de l’utilisation de la pénombre et d’un travail d’ambiance sonore lancinant. Rendons grâce aussi à l’acteur prêtant son physique malade, et aux maquilleurs.

J’ai aussi particulièrement aimé le score qui m’a évoqué un peu Shore, mais sans les cuivres. Hivernal serait le meilleur qualificatif pour décrire la manière dont je l’ai perçu. Il participe à donner à Harry Brown cette petite touche de vernis froide et sensible qui en fait ainsi une œuvre balisée, mais à l’identité propre.

Malgré tout, la portée du débat limitée et certaines facilités d’écritures rappellent à l’ordre l’esprit critique : c’est bien beau mais ça reste un film de droite (là, je trolle allégrement).
real_folk_blues

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