Après la réussite totale d’Alfonso Cuaron, la Warner change de nouveau ses horizons et recrute pour la première fois un réalisateur britannique en la personne de Mike Newell, connu notamment pour Quatre mariages et un enterrement. Un choix plutôt curieux pour adapter le quatrième volet de la saga, central. C’est en effet avec celui-ci que J.K. Rowling affina réellement son style, s’autorisant à raconter des histoires à la fois plus matures et plus complexes, avec un ton global changeant radicalement dès la fin du livre. Cuaron aurait sans doute été un choix idéal pour adapter l’ouvrage, toutefois l’approche de son successeur reste honorable.


Là où le troisième opus prenait une approche plus intime, le cinéaste britannique choisit lui de se placer dans la continuité du deuxième opus en misant avant tout sur le spectaculaire. Le quatrième tome était en cela idéal, puisque son objet principal était l’organisation d’un tournoi de sorciers, mettant en scène des épreuves éreintantes. Ce sont donc avant tout les séquences d’action à gros budget qui retiendront l’attention ici. On appréciera la virevoltante séquence opposant Harry à un dragon, l’occasion de visiter les toits de Poudlard avec une toute autre perspective. Ou encore la seconde épreuve, visite intrigante des territoires sous-marins de l’école. Mais c’est surtout la troisième épreuve qui retiendra l’attention. Délaissant la course d’obstacle du livre, Newell fait du labyrinthe un véritable lieu d’angoisse, où les murs bougent selon leur propre volonté et où l’atmosphère se fait terriblement oppressante. Le film prend ainsi des allures de thrillers qui lui siéent plutôt bien. Globalement, on pourrait trouver à Newell les mêmes qualités qu’à Columbus, celles d’un faiseur sans grande identité, mais concoctant ses séquences avec soin, et soucieux de divertir son spectateur. A ceci près que le nouveau venu abandonne définitivement le côté très enfantin des deux premiers films pour se placer dans la lignée plus sombre de Cuaron. Le travail de mise en scène et de photographie est bien moins subtil que celui du mexicain, mais permet toutefois d’assurer une continuité tonale.


L’ultra-efficacité de divertisseur de Newell se fait sans doute au détriment du développement scénaristique. Le script de Steve Kloves privilégie l’épure, mettant en avant les séquences spectaculaires et évinçant le reste. La longueur de son livre permettait à Rowling de faire coexister le caractère exceptionnel du tournoi et le quotidien des apprentis sorciers avec harmonie, tout en introduisant avec soin de nouveaux concepts et personnages. Ici, le temps est compté, et il faut aller à l’essentiel. Tout va donc très vite, un peu trop même parfois. Ainsi, le climax au cimetière, scène pourtant centrale sur l’échiquier global de la saga, est relativement expédié, là où une scène plus longue aurait habilement fait monter la tension. Je passerai également sur l’outrage que consiste l’ellipse de la finale de Quidditch, après une telle introduction, aurait-il été criminel de nous offrir ne serait-ce qu’une minute de match ?


Les bases de développement de personnages offertes par Cuaron sont donc mises de côté. Certes, Harry traverse de sérieuses épreuves, se retrouvant (une fois de plus) seul contre tous, mais l’impact ne se ressent que faiblement sur le sorcier. On notera également que la précieuse amitié qu’il entretient avec Ron est mise à l’épreuve, une piste intéressante mais trop rapidement éludée. De même que la naissance de l’idylle entre Ron et Hermione, et les tensions qui s’ensuivent.


Le film marque cependant plutôt efficacement l’entrée de Harry dans le monde de l’adolescence. Désormais, les sorciers écoutent du rock, jurent (ciel !) et ont des interactions typiques de jeunes autour de la quinzaine, notamment en ce qui concerne les effets de groupe. C’est assez sympa de voir Harry tenter de s’intégrer au reste du groupe, lui qui a toujours été tellement à part. La Coupe de Feu voit également le début des ébats amoureux du sorcier, avec son coup de foudre pour la séduisante Cho Chang. La non-sexualisation du monde des sorciers quant à elle, ne pose pas encore de véritable problème, les personnages n’ayant alors que 14 ans. Encore une fois, le tout est hélas traité trop en surface. Bon point pour cet opus toutefois : l’humour, un poil plus présent qu’à l’accoutumée, et surtout qui fait mouche la plupart du temps, les pitreries pour enfant ayant quasiment disparu.


En ce qui concerne le casting, du beau monde s’ajoute une nouvelle fois à la partie. Brendan Gleeson, David Tennant et bien sûr Ralph Fiennes offrent des prestations honorables. Je ne peux en revanche que regretter la direction de Michael Gambon sur ce film. Nerveux, brusque, voire agressif, il est bien éloigné de l’image qu’est censé renvoyer le personnage. La musique de Patrick Doyle fait quant à elle un plutôt bon travail, mais disons que la marque de Williams manque vraiment, et ce ne sont pas les timides rappels du thème principal qui pallient à son absence.


Mike Newell s’en tire donc avec les honneurs. Adaptation extra-light du roman, et approche nettement moins intéressante que celle de son prédécesseur, son film demeure toutefois un divertissement plus qu’honnête, suffisamment bien mis en œuvre pour faire oublier ses quelques défauts. Ne reste plus qu’à revoir les films de Yates à présent.

Yayap
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le 2 août 2015

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