L’ultime chapitre de la saga Harry Potter aura marqué l’histoire comme étant le fer de lance d’une pratique consistant à diviser l’adaptation du dernier tome d’une saga littéraire en deux films distincts, officiellement pour rester le plus fidèle possible à l’œuvre (officieusement parce que les rentrées sont doublées). Cette première partie a ainsi d’emblée un petit goût d’inachevé : l’histoire manque de résolution, soulève une nombre assez incroyable de questions, et finit sur un cliffhanger relativement putassier (il fallait bien vendre la partie 2). Toutefois, le film est peut-être le plus réussi des films réalisés par Yates, même si cela ne signifie finalement pas grand chose.


Pas de temps pour des futilités adolescentes cette fois, le septième chapitre de la saga rentre assez efficacement dans le vif du sujet, avec une introduction posant tout ce qui manquait au film précédent : un climat véritablement sombre, un sentiment de guerre et de menace permanente, et la fin de l’innocence pour nos héros. Les Reliques de la Mort, Partie 1, est véritablement l’opus le plus noir de la saga. Il décrit une situation où les forces du mal ont véritablement réussi à s’emparer du pouvoir, où la mort guette les personnages à chaque instant, et où les trois héros de la série se retrouvent bel et bien, pour la première fois, seuls face au reste du monde. C’est, à ce titre, un volet assez exceptionnel dans la saga. Pour la première fois, Harry, Ron et Hermione ne retournent pas à Poudlard, embarqués dans une quête pour trouver et détruire les fameux Horcruxes. Mine de rien, sortir de la dynamique habituelle de la saga est rafraîchissant (surtout après un cycle de revisionnage intensif). J’aime assez bien cette partie de l’aventure, justement pour son atmosphère assez particulière et le sentiment d’opression dans laquelle elle plonge les héros. Peu de spectacle ici, les scènes d’action sont rares, et diluées dans un ryhtme lent (malgré le nombre important de péripéties du récit). On est dans un feeling qui évoquerait presque Le Seigneur des Anneaux, sans la dimension épique, avec ce voyage presque intime au cœur d’un monde en crise. Je sais que la partie « camping » de l’histoire est généralement assez peu appréciée, mais je lui trouve un certain charme. Ah, et il y a cette fameuse scène de danse, l’idée n’est pas mauvaise, mais la séquence ne marche pas si bien que ça, même si j’aime beaucoup toute l’amertume qui en ressort.


D’ailleurs, j’aime beaucoup le traitement fait du personnage d’Hermione. C’est déjà sympathique de voir le personnage dans un autre contexte que celui de la surdouée qui trouve toujours les solutions, ou dans le prisme de sa relation avec Ron. Cette image de l’enfant qui quitte ses parents, l’indépendance sans retour possible, je trouve ça assez beau. D’autant plus qu’Emma Watson est définitivement l’actrice la plus convaincante du trio principale (Radcliffe est cependant toujours aussi inexistant, et Grint à peine mieux). D’une manière générale, l’adieu à l’enfance c’est un peu la thématique centrale de cet opus, et c’est sans doute la plus intéressant que la saga ait à offrir.


Bon, c’est dommage que Yates soit toujours si piètre réalisateur. Certaines situations de l’histoire auraient tellement plus d’impact avec une mise en scène plus solide, plus inspirée. Ici, le tout reste assez fade, malgré l’effort sur l’ambiance, une photographie moins laide que précédemment, et de jolis plans d’ensemble lors des voyages du trio. Il y a toutefois une séquence qui tire son épingle du jeu : celle du Conte des trois frères. Entièrement animée, dans un style gothique rappelant pas mal l’univers de Tim Burton, la séquence est très intéressant visuellement et sans doute ce que la saga aura offert de plus créatif depuis le volet de Cuaron. Un tel passage, si court soit-il, offre une vraie bouffée d’air frais et contribue à donner au film un cachet un peu plus singulier face au reste de la saga. La bande originale d’Alexandre Desplat est quant à elle fort agréable, quelques thèmes fort, et dans l’ensemble plus de personnalité que du temps de Nicholas Hooper. Je retiens particulièrement le thème d’introduction, collant à merveille à l’atmosphère. Ce film contient également la seule scène de mort un peu réussie signée Yates :


La mort de Dobby, pour une fois j'ai ressenti un petit quelque chose, alors que c'est un personnage qu'on ne voit que brièvement, et qu'on n'avait plus revu depuis le second film avant ça.


Tout n’est donc pas parfait. Outre les éternels problème de réalisation de Yates, et de direction d’acteur, les défauts du film rejoignent ceux du livre. Dans le 7e tome de sa saga, Rowling se retrouve avec une foule d’éléments mis en place, qu’elle doit tant bien que mal agencer pour arriver à sa conclusion. En résultent un certain nombre de maladresses et de facilités scénaristiques assez grossières. La série a toujours eu recours aux occasionnels Deus Ex Machina, et aux explications tirées par les cheveux pour faciliter la résolution de situations, « comme par magie ». Mais ces situations atteignent un nombre assez effarant ici, tout le récit avance grâce à des coïncidences et des coups de chance assez invraisemblables. Rowling a également tendance à un peu trop se reposer sur ses influences. Le côté relativement peu subtil du parallèle avec le nazisme, passe encore, voir l’univers sous un œil totalitaire est assez intéressant. Le repompage de Tolkien est déjà plus embêtant. Un objet à porter autour du coup, contenant un fragment d’âme du « Seigneur des Ténèbres », ne pouvant être détruit que par des moyens spécifiques, et corrompant celui qui le porte, ça ne vous rappelle rien ? Tous ces défauts sont ceux du livre avant d’être ceux du film, mais le propre d’une bonne adaptation est justement de livrer le meilleur produit possible, quitte à gommer ce qui ne fonctionne pas dans l’œuvre d’origine. Ici, on sent Yates et Steve Kloves enfermés dans une logique de trop coller au bouquin d’origine, sachant que les fans vont de toute façon hurler au moindre petit changement effectué.


Malgré ses nombreux défauts, je ne peux toutefois m’empêcher d’apprécier cette première partie. Sans doute parce qu’elle a le mérite d’avoir un ton unifié, de proposer quelque chose d’un peu différent, et d’avoir cette intimité et cette ambiance sombre avec laquelle Yates semble plus à l’aise que le spectaculaire (mais on y reviendra dans la seconde partie). C’est donc bel et bien l’opus le plus réussi, ou le moins raté, selon le moins de vue, de son réalisateur. Plus qu’un film avant de conclure la saga donc.

Yayap
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le 5 août 2015

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