En 1989, Michael Mann réalise le téléfilm L.A Takedown. Centré autour du braqueur Patrick McLaren et du Lieutenant Vincent Hanna, le scénario se base sur un immense jeu du chat et de la souris au milieu de Los Angeles. Ce simple téléfilm deviendra quelques années plus tard Heat, long-métrage de trois heures qui creuse la profondeur de ses personnages.


L’Affaire Thomas Crown, Inside Man, Un après-midi de chien ou encore Point Break. Il existe des tas de films de braquages construit autour de la relation policier contre voleur, le héros contre le méchant. Face à ce manichéisme simpliste, Micheal Mann a choisi d’y apporter une dimension inédite : flouter cette ligne, pourtant si claire, entre le bien et le mal. Qui est le vrai gentil de l’histoire ? Impossible de se décider. C’est très certainement cette atmosphère particulière qui a créé un avant et un après Heat. Plus qu’un classique, ce film est devenu une référence du genre, un patron sur lequel bon nombre de metteurs en scène se sont appuyés par la suite.


Vis ma vie de braqueur


Les braqueurs sont régulièrement dépeints comme mauvais, sans scrupules ni remords. Dans Heat, Michael Mann va s’attacher à leur imprimer une complexité inattendue en nous les rendant sympathiques, presque attachants. On pénètre leur intimité, on appréhende leur situation. Pour une fois, le spectateur peut se positionner de l’autre côté. Loin de voler par envie ou par passion, la bande à McCauley (le nouveau nom de McLaren pour le film) continue les méfaits parce que c’est la seule chose qu’elle n’ait jamais su faire. Pas de réinsertion possible, il est déjà trop tard pour revenir en arrière.
Tout ce processus s’articule essentiellement autour du personnage de Chris Shiherlis, le protégé de McCauley interprété tout en nuances par Val Kilmer. Cette sensibilité insufflée aux bad guys, rarement vu dans d’autres longs-métrages de l’époque, reste l’un des élément clé de l’intrigue et de sa réussite. Avec Heat, on ne regarde pas un film d’action, on le vit.


Combat de fauves


Le véritable intérêt du film se trouve pourtant ailleurs. Si Heat a autant marqué les esprits, c’est avant tout grâce à la confrontation d’anthologie entre deux acteurs sacrés du cinéma américain : Al Pacino et Robert De Niro. Au contraire, la plongée au cœur du quotidien des personnages est si utile au développement du scénario tant elle permet au lieutenant Hanna (Pacino) et au voyou McCauley (De Niro) de jouer à armes égales. Aucun protagoniste n’est privilégié, chacun laisse couler ses blessures, éclater ses problèmes et parler ses démons intérieurs. La balle est au centre, le spectateur peut choisir son camp.
La narration se structure donc autour de ce face à face jalonné de sang, de fusils automatiques et de réflexions sur la finalité d’une vie. Au bout du compte, l’enjeu principal de Heat est de savoir qui des deux joueurs gagnera la partie. Voilà ce qui nous tient pendant trois heures sans jamais nous laisser décrocher.


Première pierre


Jamais une virée dans la nuit de Los Angeles n’a autant changé la perspective d’un genre cinématographique entier. On le comprend désormais, Heat fait partie de ces œuvres qui ont redéfini et rétabli les codes. Finalement, Michael Mann, par ce travail d’orfèvre, maitrise de A à Z cette montée en puissance qui huile tous les engrenages du film.
En guise de dernier mot, on ne se remémorera jamais assez le mantra de McCauley, une logique pour guider toute une vie : « tout ce qui a pu prendre une place dans ta vie, tu dois pouvoir t'en débarrasser en 30 secondes montre en main, dès que t'as repéré un seul flic dans le coin. »

Créée

le 14 mai 2020

Critique lue 133 fois

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