Sobrement rebaptisé en France Histoire de fantôme japonais, Tokaido Yotsuya Kaidan réalisé par Nobuo Nakagawa en 1959 est certainement l'adaptation cinématographique la plus connue du conte du même nom, lui-même écrit en 1825 par Tsuruya Nanboku IV. Une histoire très célèbre qui fut source d'inspiration pour d'innombrables oeuvres à suivre, que ce soit bien entendu au théâtre, mais aussi dans la peinture, ou donc le cinéma.
Le cinéma japonais est un monde foisonnant, riche de très nombreux genres. Ne faisons pas ici le détail de ces grandes familles composées de divers genres et sous-genres, mais le "kaidan-eiga" (film de fantôme) en fait partie. Celui-ci n'a jamais vraiment vu sa popularité faiblir, contrairement à d'autres types de films qui sont parfois tombés en désuétude, puisque les premiers fantômes apparurent dans le cinéma japonais à l'époque du muet, et sont encore très présents aujourd'hui, avec par exemple la série ultra populaire des Ring. Le kaidan-eiga est un style très ancré dans la tradition, et que l'on qualifiera de sérieux, puisque qu'il y est forcément question de mort, mais aussi souvent de trahisons, de meurtres et de vengeances.
On passera sûr les différents styles de film de fantôme, mais Tokaido Yotsuya Kaidan est une source idéale qui permit de poser de nombreux codes du genre, dont l'image la plus récurrente est celle de la femme fantôme défigurée, par une brûlure ou la décomposition (due à un violent poison). L'histoire fut adaptée un bonne trentaine de fois au cinéma, et ses thèmes et codes furent réutilisés dans de nombreuses variations. On va même jusqu'à retrouver la femme fantôme défigurée dans la ghost kung-fu comédie du cinéma hongkongais.
L'histoire du fantôme de Yotsuya se déroule au 17ème siècle, et narre l'histoire de Iemon, un ronin qui désire épouser la fille d'un samouraï. Se heurtant à un refus catégorique et au mépris de ce dernier, Iemon l'assassine, et monte une histoire de toute pièce, tournant la situation a son avantage. Ayant épousé la femme qu'il désire, il n'est cependant pas comblé, puisqu'il vit dans la pauvreté. Par ailleurs, son épouse à la santé fragile, qu'il traite avec une terrible froideur, n'évoque que trop souvent la vengeance qu'elle attend concernant l'assassinat de son père. Une sombre opportunité s'offre cependant à Iemon, celle d'épouser une autre femme, fille d'un riche samouraï. Motivé par l'appui d'un sinistre ami, Iemon en vient à comploter l'impensable : l'assassina par empoisonnement de sa femme.
Nobuo Nakagawa n'est pas un cinéaste très célèbre en occident, mais grâce à quelques films qui nous sont parvenus, il est vu chez nous par ceux qui le connaissent comme un, si ce n'est LE spécialiste du film de fantôme de son époque. Son adapation du fameux conte de 1825 eu le droit à une sortie française, mais demeure inédit en dvd. Si pour beaucoup de cinéphiles occidentaux, le très célèbre Kwaidan (1964) du grand Masaki Kobayashi est vu comme le kaidan-eiga ultime, force est d'admettre que c'est un chouette film luxueux en aucun cas aussi angoissant ou effrayant que cette superbe réalisation de Nakagawa. En terme de mise en scène, on peut dire que Nakagawa nous met par terre. Il peint des tableaux d'une très grande beauté, pour narrer cette histoire on ne peut plus sombre d'un personnage détestable au possible, et de sa femme Oiwa qu'on ne peut s'empêcher de plaindre de tout coeur. Le film est plutôt court, puisqu'il dure moins d' 1h20, le rendant vraiment dense. Ne se contentant pas d'être une superbe mise en images, nous assistons à une lente et impressionnante mise en place durant laquelle la pression ne cesse de monter, jusqu'à l'exécution du plan machiavélique de Iemon. L'angoisse est réellement au rendez-vous. C'est alors que film bascule dans le fantastique. La réalisation jusque là sobre et posée est alors ponctuées de flash surprenants, violemment colorés. Les fantômes apparaissent et disparaissent, et Iemon perd par consquent la raison à de nombreuses reprises, et finissant par payer amèrement ses crimes odieux. Dirigeant des acteurs impeccables (peu connus chez nous), Nakagawa nous offre un spectacle de toute beauté, très violent et sombre, dans un film qui mérite amplement sa réputation de grand classique du genre.
k-chan
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le 27 févr. 2013

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