Le rêve de l'homme dans ce qu'il a de plus obsédant et destructeur filmé du haut de ces falaises vertigineuses où le vide fascine autant qu'il terrorise. La mélancolie qui se dégage de ce court m'a tout de suite fait penser au poème de Baudelaire, L'Albatros. Le triste inventeur, remarquablement joué par Philippe Rebbot, n'a rien d'un savant fou, il tient plutôt du Poète, le corps abîmé par sa quête et l'esprit hanté par les échecs et la déception de ne pouvoir jamais voler lui-même un jour.
Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
Les rôles d'enfants, personnages de Joseph et Salaï, pourraient amener un peu d'insouciance et de légèreté dans ce sombre tableau mais l'innocence n'a aucune place dans ce paysage. Les plans récurrents sur la mer qui se heurte aux rochers dans un contraste noir/blanc rappellent que la mer est le miroir de l'âme et qu'elle emporte tout avec elle. Joseph et Salaï sont des cobayes, Albatros en puissance, qui vont se perdre dans les dédales du créateur, leur qualité d'enfant ne tenant que dans le poids qu'ils représentent face à la gravité.
Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
Je crois que j'ai tout aimé dans ce court-métrage, particulièrement l'endroit où il a été tourné qui donne tant de force à son histoire. Il y a un côté onirique, un peu hors du temps, qui plane du début à la fin et qui rend le drame très poétique.